Chapitre I , pages 32 à 37

10/07/2015 23:58

I - LES FRANCS ET LES BRETONS :

DEUX PEUPLES EN CONFLIT DES QU’ILS SONT EN CONTACT (VIème siècle au IXème siècle).
1 - ORIGINES ET IMMIGRATIONS DES BRETONS EN ARMORIQUE (VIème au IXème siècles).
ANTERIORITE DU PEUPLE BRETON.
Contrairement à ce que l’on peut croire, en lisant les manuels
ou les ouvrages en circulation, l’histoire des Bretons
ne commence pas avec les émigrations en Armorique, la
Bretagne actuelle.
L’existence du peuple breton est attestée dès l’Antiquité.
Jules César, au premier siècle avant Jésus-Christ, consacre
à ces peuples de longs développements dans son ouvrage
«La guerre des Gaules». Ils vivent alors dans l’île de Bretagne,
dénommée aujourd’hui, « Grande Bretagne », depuis
longtemps. Bien qu’ils ne possèdent pas un souverain
(ou un roi) unique, à plus forte raison ce que nous appelons
un Etat centralisé - ce qui est le sort commun à toute
l’Europe celte d’alors -, ils constituent une civilisation :
ils parlent la même langue (en tous cas plusieurs langues
voisines, appartenant au même groupe linguistique ), ont
des croyances religieuses, des mythes, des moeurs, des coutumes
et des lois communes... Les civilisations ne prenant
corps et consistance qu’au bout de longs siècles, les Bretons
existent donc de très longs siècles avant qu’il ne soit
question de la France et des Français, largement plus de
mille ans. Comme ils ont été peu romanisés (ils vivent aux
marges de l’Empire romain), on peut dire, sans crainte de
se tromper, qu’ils sont l’un des peuples les plus antiques
d’Europe.
EMIGRATIONS EN ARMORIQUE.
Les Bretons émigrent dans la péninsule armoricaine (aujourd’hui
dénommée Bretagne), à partir du IIIème siècle,
par vagues successives, en partie en raison des invasions
de l’Angleterre par les Angles et par les Saxons, en partie
d’une manière spontanée, parce que ce vaste territoire est
peu peuplé, qu’il jouit d’un climat meilleur, que ses côtes
et ses terres sont poissonneuses, giboyeuses et fertiles.
Il existe des présomptions assez fortes pour penser que les
Armoricains et les Bretons se mélangent sans trop de violence :
les deux peuples entretiennent des rapports commerciaux
depuis plusieurs siècles ; ils appartiennent à la
même civilisation celte ; la Manche est une mer intérieure
à l’Empire romain jusqu’à la fin du Vème siècle ; l’Armorique,
enfin, peu peuplée, est en situation d’accueillir des
populations nouvelles, sans qu’il soit besoin de combattre.
On admet que les émigrations se poursuivent pendant plusieurs
siècles ( peut-être jusqu’au IXème siècle), et que les
Bretons d’Outre Manche et d’Armorique, ayant les mêmes
origines, parlant la même langue, se considèrent comme
proches parents depuis longtemps.
Au VIème siècle, en raison de leur nombre, les Bretons armoricains
imposent leur idiome, leur culture, leur religion
(ils ont été christianisés lentement à partir du IIIème siècle),
dans la partie ouest de la péninsule. Celle-ci change de
nom, et devient la Bretagne, selon le témoignage de
l’archevêque et métropolitain Grégoire de Tours.
2 - LES CONFLITS BRITO - FRANCS.
LES FRANCS, VENUS DE BELGIQUE, ne migrent
dans le nord de la Gaule qu’à la fin du Vème siècle,
après 475. Ils franchissent la Somme en 486, la Loire vers
491. Clovis, roi des Francs Saliens - qui a laissé un nom
célèbre dans l’histoire -, succède à son père décédé, à l’âge
de quinze ans. Ils n’arrivent donc en Gaule que bien après
les Bretons. Ils sont d’ailleurs très peu nombreux (on estime
que leur nombre total n’excède pas 2% de la population
totale de la Gaule). Si les Bretons ne tirent aucune
gloire de cette antériorité, ce fait est pourtant important à
préciser : pendant plus de mille ans, les Francs, devenus
les Français, prétendent être arrivés en Armorique avant
les Bretons, et avoir « concédé » (sic !) un territoire qui
leur appartenait, à « ces mendiants venus sur des barques
de l’autre côté de la mer ». Ceci à seule fin de tenter de
rendre légitime les invasions de la Bretagne, puis l’annexion
du pays (1491), puis sa « digestion » totale, et sa
néantisation à partir de 1789, afin de le faire disparaître,
par dissolution dans le peuple envahisseur.
Les Francs n’adoptent la religion chrétienne, dans le sillage
de la conversion de Clovis, roi des Francs saliens, qu’à
partir de l’an 500. Ce fait ne confère pas davantage une
quelconque supériorité aux Bretons, mais ils le souligneront
avec force presque jusqu’à l’ère contemporaine, pour
se démarquer de leurs ennemis : adhérer à la religion
chrétienne d’un côté, être « païen » de l’autre, fera pendant
longtemps une différence, à une époque où le christianisme
est la référence suprême.
DÈS QUE LES DEUX PEUPLES ARRIVENT
EN CONTACT, dans les zones frontières - de Rennes
et de Nantes, approximativement, en tous cas à l’ouest du
fleuve « Vilaine » -, les affrontements se multiplient.
Les archives et les commentateurs font état de conflits violents
dès le VIème siècle. On a gardé la trace des différents
du roi franc Dagobert et du roi breton Judicaël, au VIIème
siècle, ce dernier étant désigné par les auteurs francs,
d’une manière répétitive et non ambiguë, comme le «Roi
(rex) des Bretons». A cette époque, la Bretagne est divisée,
en réalité, en plusieurs principautés, chacune ayant à sa
tête un roi (ou un prince, peu importe la terminologie
utilisée) distinct. Si les Bretons d’Armorique n’ont pas encore
de roi unique, l’appartenance à un même peuple, en
revanche, est très marquée.
L’heureuse conservation, quasi miraculeuse, d’archives
plus nombreuses au IXème siècle, permet de jeter une
lumière crue sur ce que sont les relations, extrêmement
conflictuelles et violentes des Bretons et des
Francs.
Les Francs, notamment, tentent d’envahir la Bretagne à la
tête d’armées nombreuses, parfois conduites par leurs
rois et empereurs en personne (Pépin le Bref, Charlemagne,
Louis le Pieux, Charles le Chauve...), en 753, 786,
799, 811, 818, 824. Les Bretons défendant avec férocité
leur territoire, les Francs ne parviennent à remporter que
quelques succès brefs et géographiquement limités. Les Bretons
sont désignés par leurs adversaires comme orgueilleux,
intraitables, obstinés, avec des qualificatifs très péjoratifs,
témoignant de la haine que se portent les deux
peuples, car ces sentiments sont partagés, et
normaux de la part de nations ennemies.
A PARTIR DE 840, DEVENUS OFFENSIFS ET
CONQUERANTS, les Bretons remportent victoire sur
victoire, causant de lourdes pertes à leurs ennemis, malgré
la supériorité numérique écrasante de ceux-ci.
En 851, le jeune roi Erispoé, fils du célèbre chef militaire le
« Dux » Nominoé, qui est parvenu à réunir les chefs bretons
sous son commandement unique pour combattre les
Francs, inflige à l’Empereur Charles le Chauve une défaite
retentissante à Beslé-Jengland (d’autres auteurs disent à
Ballon). A la faveur de cette victoire, les comtés de Rennes
et de Nantes, le Pays de Retz deviennent bretons. Ces territoires,
il convient de le souligner, ne sont pas francs, mais
peuplés de populations « romanes », dominées par les
Francs, envahisseurs de la Gaule, comme cela est précisé
ci-dessus. La Bretagne que nous connaissons va naître, progressivement,
de la « réunion » des zones occupées par les
Bretons (grosso-modo, la moitié Ouest de la péninsule armoricaine),
et des zones perdues par les Francs, à la faveur
de la victoire bretonne de 851. Les frontières bretonnes,
malgré quelques modifications temporaires, se maintiennent
dans ces limites « naturelles » jusqu’à aujourd’hui. La
Bretagne est donc l’une des principautés territoriales les plus
anciennes d’Europe.
UN FAUX DEBAT, ENTRETENU PAR LES FRANÇAIS JUSQU’A AUJOURD’HUI : LES
BRETONS ONT EU DES ROIS, tout comme les Français.
Comme toutes les nations de la terre, les Bretons
ont eu des chefs et des rois, de tous temps, en Grande
Bretagne comme en Armorique. Comme partout ailleurs
encore, ils ont porté des titres divers : s’ils n’ont arboré
le titre de «rex» qu’aux IXème et auXème siècles, s’ils ont
ensuite porté le titre de «Duc» (Dux, Duc, Duce signifient
«chef»), jusqu’aux invasions par les armées françaises de
la fin du XVème siècle, ils ont eu leurs rois, sous des appellations
diverses, tout comme les Français - et d’ailleurs
presque toutes les nations de la terre.

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