Chapitre V (page 79 à 82)

16/07/2015 19:56

LA NÉVROSE BRETONNE D'ACCULTURATION. 

 

L'étude des névroses collectives a été induite, en particu- lier, par les sociologues et les historiens qui se sont penchés sur les dégâts mentaux induits par l'acculturation forcée des populations Amérindiennes par les Espagnols. Cette pathologie concerne un grand nombre de nations, jadis libres. 

 

Sous l'effet de la pression colossale qui est exercée par l'entourage, l'école, les livres, la radio, les instituteurs, les professeurs, les parents eux-mêmes, tant par le non dit que par ce qui est suggéré ou explicitement exprimé, l'enfant se met à détester tout ce qui lui rappelle l'infériorité de sa condition : ce patois hideux que parlent ses parents et son entourage, ces costumes de ploucs et ces coiffes d'un autre âge, ces mœurs résolument non distinguées, les tournures bretonnantes qui infectent le beau langage français, qu'on lui présente comme étant le modèle uni- versel. Il n'est rien, il le sait, il intériorise le modèle mauvais forgé de toutes pièces par le colonisateur. La névrose d'acculturation est à base de honte de soi. 

 

Le phénomène diffuse, et gagne l'entourage. Les grands- parents, qui ne parlent ni ne comprennent le français - dans les campagnes en tout cas -, sont mis à l'écart, on ne leur adresse pas la parole : ce sont des ploucs, on se gausse de leur maladresse et de leur timidité, on ne vou- drait certes pas leur ressembler. Un fossé culturel se crée entre les générations : les jeunes, élevés dans la civilisation qu'on croit belle du colonisateur ; les vieux, qui paraissent pitoyables et arriérés. Cela peut aller très loin : on a vu, dans les lycées et collèges, des enfants avoir honte de rencontrer au parloir leur propre mère, à cause de son accent rocailleux, de sa coiffe en dentelles, de son habitus de femme plouque, et prétexter l'étude ou le travail pour ne pas montrer ce spectacle à ses camarades. 

 

Au niveau individuel, les dégâts sont considérables. Les Bretons de ces générations sont à l'image de ce qu'ont été les Juifs pendant des millénaires, les colonisés, les esclaves : timides, honteux d'eux-mêmes, des êtres convaincus de leur infériorité native. Au niveau de la nation, c'est pire : celle-ci, jadis conquérante et glorieuse, est désormais honteuse d'elle-même. Elle va jusqu'à collaborer - en toute bonne foi - avec l'occupant pour « désincruster » ce qui reste des mœurs dont elle a été convaincue qu'elles sont préhistoriques. La créativité s'étiole au niveau collectif, la nation ne produit plus rien : la « ploukisation » devient effective ; les natifs, guère en situation de comprendre ni d'analyser ce qui leur arrive, comme les esclaves élevés dans une situation qu'on leur a appris à accepter, accompagnent ou précèdent le mouvement sans le critiquer. 

 

La guérison est au bout du chemin : c'est de renouer avec ses racines, accepter son histoire, critiquer et prendre ses distances avec ce qui s'est passé, et repartir dans une autre direction. La Bretagne est entrée dans cette phase. 

 

L'AMPUTATION DU TERRITOIRE NATIONAL. 

 

La France a été, au sens le plus vulgaire du terme, un pays nationaliste totalitaire. Elle a exalté son ego national d'une manière honteuse. Elle a transporté 

ses armées dans les cinq continents, envahi des peuples nombreux, conquis un empire colonial de dix millions de kilomètres carrés, soit vingt fois sa propre superficie. 

Elle a eu pour prétention d'apporter « la » civilisation - la sienne, bien sûr -, au monde, et de se considérer comme le critère de l'Univers. 

 

En 1941, estimant n'en avoir pas assez fait, le régime collaborationniste de Vichy décide, à la faveur d'un « redécoupage administratif », de créer une région artifi- cielle, incluant la Loire Atlantique, qui est ainsi détachée du territoire historique national des Bretons. 

 

Les noyades de Carrier, les colonnes infernales de Turreau, les crimes de Westermann n'ont donc pas suffi. La France, poursuivant par un processus interne sa colonisation, a cru pouvoir détacher de la Bretagne historique son joyau, pour l'intégrer dans une région fantoche, dénommée « Pays de la Loire ». La cause de ce qui a été présenté comme un « redécoupage » du territoire français : alors que la France a pactisé et collaboré avec l'ennemi pendant plusieurs années, alors que son chef s'est rendu à Montoire pour serrer la main de Hitler, a réalisé tout d'un coup, quelques dizaines - quelques centaines de Bretons s'étant tournés vers les Allemands, par l'espoir illusoire de retrouver leur liberté - a puni toute la Bretagne, ayant découvert que, malgré les siècles écoulés, malgré les persécutions et les crimes accomplis dans ce pays, les Bretons n'étaient pas devenus des Français. Les atrocités com- mises par la France en Bretagne dépassent de loin, en abomination, les atrocités nazies. 

 

La Loire, donc, continue à être la baignoire nationale de la sottise française, le fleuve révolutionnaire des inepties de sa philosophie archaïque et anachronique. La Loire- Atlantique, ainsi, est pour les Bretons, au sens le plus fort, le Tibet de la France. 

 

 

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