CHAPITRE V - PARTIE III- L’ASSASSINAT DE LA BRETAGNE ET SES CONSÉQUENCES.

14/07/2015 23:42

3 - L’ASSASSINAT DE LA BRETAGNE ET SES CONSÉQUENCES.

Dès 1789, la France s’emploie à détruire la Bretagne, de toutes les manières possibles.
LA BRETAGNE EST DÉTRUITE EN TANT QU’ENTITÉ POLITIQUE.
 
Civilisation antique, pourvue d’une culture spécifique, avec un sentiment d’appartenance très fort, bien qu’annexée par le royaume de France depuis 1491, bien qu’ayant
souffert des rois français, la Bretagne avait réussi, après le règne sanglant de Louis XIV, mort en 1715, à retrouver le droit de s’administrer elle-même, cela jusqu’à 1789
inclusivement. Elle gérait ses finances avec économie ; son opposition acharnée à l’oppression de la Cour de France lui avait permis de maintenir un niveau d’imposition
de moitié inférieur à celui appliqué dans le royaume des Français.
En 1789, divisée en départements, la Bretagne disparaît de la carte politique. Son antique parlement - les « États de Bretagne » - est supprimé. Elle perd tout droit de regard sur
la législation appliquée sur son territoire, le droit de voter ses impôts, de gérer ses recettes fiscales et son économie, ainsi que de s’administrer elle-même. Dirigée par les fonctionnaires français chroniquement incompétents, nommés par les ministères centraux, tous les postes importants sont attribués à des Français. Privée de toute initiative, de rien décider par elle-même, elle s’étiole et s’enlise. Elle avait commencé à dépérir à partir du moment ou les bureaux de Colbert et de Louis XIV s’étaient emparés de son économie, l’avait pressurée d’impôts illégaux, avaient saboté son économie en l’empêchant de commercer librement avec ses alliés commerciaux traditionnels, en particulier l’Angleterre. Les gouvernements français du XXème
siècle la transforment, par leur incompétence, en Ploukistan occidental de l’Europe. Les préfets jouent à la fois le rôle de courroies de transmission - toutes les décisions sont prises à Paris -, d’espions qui surveillent et dénoncent, et de pères fouettards. Les écoles et le clergé font l’objet d’une surveillance attentive. (Rien n’a changé : aujourd’hui, toutes les fonctions électives (celles de députés et des sénateurs, en particulier), sont « pré-sélectionnées » par les états-majors parisiens, les postes sont distribués par les clans politiques qui se partagent le pouvoir à Paris ; ce système suscite la risée : cette pré-sélection, qui ne tient aucun compte des compétences, est empoisonnée par la soumission quasi-aveugle de tous ceux qui veulent accéder à une fonction politique).
 
LA BRETAGNE EST DETRUITE EN TANT QUE NATION.
 
Les « révolutionnaires » de Paris ont décrété qu’il n’y a, dans le territoire qu’on va dénommer « l’hexagone », qu’une nation : cette nation est unique, exemplaire, elle doit devenir le moule unique et universel, et servir d’exemple au monde entier. C’est une création idéologique, entièrement artificielle. Les nations périphériques, plus anciennes que la nation française pour plusieurs d’entre elles, sont niées, néantisées, interdites d’exister : les Basques, les Flamands, les Béarnais, les Corses, les Savoyards. Les Français, par l’effet d’une bouffissure qui se développe à la faveur de l’enseignement du complexe de supériorité qu’on leur inculque dans les écoles, se transforment en nationalistes furieux, imbus d’un sentiment de mépris qui, aujourd’hui, juste retour des choses, fait rire à leurs dépens.
La Nation bretonne, la plus antique avec celle des Basques, parce qu’elle est la plus puissante de ces nations périphériques qui jouxtent la France, parce qu’elle a été en guerre contre ce pays étranger qu’est le royaume de France pendant plusieurs siècles, parce qu’elle a résisté de toutes ses forces depuis son annexion en 1532 jusqu’à la prétendue révolution de 1789, parce que sa culture la distingue d’une manière irréductible d’avec celle de la France, est particulièrement persécutée, stigmatisée : pour assimiler ce vieux pays, il n’existe qu’un moyen : en détruire toutes les composantes.
Le pays autoproclamé des droits de l’homme se livre donc sur cette nation, à des actes qui dépassent l’abomination.
Là où le nationalisme français est une éminente vertu, le nationalisme breton devient un crime, ce mot étant utilisé ici sans exagération. Au nom du nationalisme français,
la France s’autorise à conquérir de très vastes territoires, souvent à dépouiller les indigènes de leurs terres, ou à les acheter, sous contrainte, pour des prix absurdement faibles (en Algérie, 300 000 hectares changent de mains sous l’effet de cette politique). Même si l’oeuvre coloniale comporte des éléments positifs par ailleurs – ce qui est indéniable -, elle est à base de sentiment de supériorité du colonisateur, et de mépris des indigènes. Le culte du nationalisme français a été enseigné officiellement dans les écoles françaises, jusqu’à une période très récente, ce que les signataires du présent mémoire ont du supporter, en même temps que la honte d’eux-mêmes.
L’un des auteurs du présent rapport, avait, dans sa jeunesse, été endoctriné avec tant de répulsion et de dégoût contre ceux qu’on nommait les « nationalistes bretons », qu’il disait : « Qu’on m’en montre seulement un : je le fusillerai ». Il est aujourd’hui mieux que Furet, mieux qu’ Ozouf, et bien d’autres, qui ont fait leur mea culpa. Sur sa carte de visite, il a écrit « M. L., nationaliste breton ». 
Aujourd’hui encore, taxer les Bretons de nationalistes est une injure : telle est la situation que la France a créée.
 
LA LANGUE ET LA CULTURE SONT L’OBJET D’UN ASSASSINAT ORGANISÉ.
 
La langue bretonne, très subtile, beaucoup plus ancienne que le français, est non seulement dévalorisée d’une manière outrancière, elle est insultée.
Ce n’est pas une langue : c’est un jargon, un idiome, un patois, un dialecte corrompu, un baragouin, un charabia, un instrument de dommage et d’erreur. Ceux qui l’utilisent
ne parlent pas, ils « patoisent », ils « baragouinent », ils « déblatèrent », ils « parlent vicieusement ».
Cet idiome est un reste des cavernes de Cro-magnon, une séquelle de la préhistoire, un « dernier reste de la féodalité », un langage de sorciers, une « relique barbare et arriérée d’un autre âge ». Il obscurcit et engourdit la pensée, prolonge l’enfance de la raison et la vieillesse des préjugés, empêche de raisonner, de comprendre, d’assimiler les idées nouvelles, en particulier les « idéaux » révolutionnaires, la démocratie, la République.
C’est, dit Hugo, « une tombe pour la pensée ». Il est d’ailleurs, à l’oreille, hideux, inélégant, grossier, guttural, imprononçable, et ne peut l’être qu’au prix de grimaces, et de contorsions du visage et du corps. Cette «grande vaincue de l’histoire» (sic), selon les « savants » français qui n’en comprennent pas le premier mot, décrète qu’elle n’a produit aucune poésie, aucune littérature, aucune oeuvre littéraire de valeur. Il serait impossible que cela soit, puisqu’il n’y a pas de grammaire bretonne (!). Les prêtres, qui continuent à l’utiliser pour prêcher (c’est la seule langue parlée et comprise dans les diocèses de l’Ouest), sont particulièrement visés. Ils se servent de ce jargon infâme pour maintenir les Bretons dans leurs « superstitions religieuses », pour les asservir, pour faire entrer dans leurs pauvres crânes de demeurés des idées perverses, pour « les fanatiser », pour « chasser des têtes bretonnes les idées de liberté ». etc. Ils deviennent des « sorciers », des « ratichons », des « calotins bretons ensoutanés ».
Ces insultes se prolongent jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
Dans l’administration, dans les écoles, la langue antique est péremptoirement interdite. La France met en place un système médiéval de persécutions, digne de l’Inquisition, et de sanctions à l’encontre de tous ceux qui entendent perpétuer la culture qui, jusqu’alors, avait été, pour les lettrés, un sujet de fierté. Des escouades d’instituteurs français sont envoyés dans les écoles bretonnes, avec des directives précises réitérées par les préfets et les sous-préfets : « assassiner la langue bretonne », « éradiquer totalement l’idiome local », (de nombreux textes et directives ministérielles accablantes sont conservés, cette politique étant initiée, surveillée, amplifiée depuis Paris) ; « la corrompre, afin qu’on ne le comprenne plus » (sic), interdire, manu militari au besoin, de parler breton (des gendarmes rendent parfois visites aux parents dans les fermes, pour les intimider), infliger des punitions aussi vexantes que possibles aux enfants, sinon aux parents, qu’on culpabilise chaque fois que cela est jugé nécessaire. Les prêtres, curés et religieux, qui prêchent dans la langue nationale bretonne, la seule qui soit comprise, sont
privés de leur salaire (la séparation de l’église et de l’État n’intervient qu’en 1905). Dans les écoles, les enfants sont terrorisés. On les montre du doigt, on rit d’eux lorsqu’ils
confondent un terme français avec un terme breton ; on les entraîne à se moquer des autres ; on les isole au piquet, on leur donne des coups de règle sur les doigts, des gifles,
voire coups de pied ; on les punit lorsqu’on les surprend à parler breton dans la cour ; on accroche à leur cou un objet infamant tel qu’un sabot, une corne de vache, ou tout
autre objet ridicule. Dans certaines écoles, fait criminel pour ceux qui s’en sont rendus coupables, on accroche au cou de ces malheureux l’ardoise d’infamie : « Breton =
cochon ». (Cette dernière pratique a marqué les esprits, d’une manière définitive, les Bretons ne l’oublieront pas, et ne la pardonneront jamais).
Une autre ignominie est inventée : la culture de la délation. L’enfant surpris à parler le breton, conserve le « symbole » infamant au cou, jusqu’au moment où il réussit à dénoncer à l’instituteur un autre délinquant. Certains n’osant rentrer chez eux, attendent la nuit, et contournent le village. Les parents, conditionnés, infligent de nouvelles punitions à l’enfant, après le coucher du soleil. Ces faits sont attestés par des témoignages accablants.
Les prêtres sont l’objet de sanctions graves : avertissements, suspensions, blâmes, privations de salaire (la loi de séparation de l’église et de l’État n’est votée qu’en 1905). Le ministère Combes invente le concept « d’usage abusif du breton », pour empêcher qu’il ne soit utilisé dans les églises : c’est un abus, punis de sanctions sévères, pour un breton, de parler la langue que ses ancêtres utilisent comme seule langue depuis 2000 ans.
Le pire, sans doute, dans ce pays traditionnellement très religieux : on prive les enfants de confirmation, et même de communion, s’ils ne connaissent pas suffisamment le Français. La langue du colonisateur, dénommée « langue nationale » dans un pays qui en possède une, bien avant les français, autorise les plus zélés à traiter le breton de « langue étrangère », sur leur propre territoire (!).
Des journalistes, des hommes politiques connus, que l’on avait cru sains d’esprits, préconisent des mesures extrêmes :
« Il faut frapper les curés » ; « tapons dessus, de toute la rigueur des lois, de tous les poings des gendarmes » (La Lanterne) ; « il faut prendre des mesures énergiques, sans hésiter » ; « il faut utiliser des commissaires de police courageux, des préfets, des magistrats, des fonctionnaires républicains pour entreprendre la colonisation de la Bretagne » (!); « il faut faire totalement disparaître la langue bretonne » (de Monzie, ministre, 1925) ; « la seule réponse, c’est d’emprisonner tous ceux qui formulent les revendications linguistiques bretonnes » (Albert Dalimier, ministre du travail, 1932).
Détail abominable : la « Déclaration Universelle des droits de l’Homme », pendant qu’on procède à un véritable lavage des cerveaux, est enseignée par « la » république, qui détient tous les pouvoirs, dans les écoles. Les enfants n’ont d’autre solution que de croire ce qu’on leur enseigne. On les a tellement infériorisés, tellement convaincus qu’ils appartiennent à une race de sous-débiles, qu’ils regardent la lumière française comme étant leur planche de salut. Le drame qu’ils vivent est affreux.
Les résultats de cette politique sont spectaculaires. En 1850, à l’exception des villes, toute la moitié ouest de la Bretagne est encore bretonnante. En 1850, 160 communes du Finistère sur 160 parlent le breton. On dénombre à l’époque 1,6 million de locuteurs. En 1940, la langue de communication, dans les campagnes bretonnes, chez les marins, chez les artisans, les commerçants des villages et des petites villes, est le breton. En 2000, ce chiffre est tombé à zéro.
En 2008, les efforts de la France ont abouti à un résultat inespéré pour un colonisateur : il reste 200 000 locuteurs bretons, tous âgés. Pour entretenir l’illusion, et perpétuer l’hypocrisie, la France a « autorisé » la création de quelques classes bilingues, mais freine de toutes ses forces en s’opposant à toute progression de la langue nationale.
Après un simulacre de débat au Parlement, elle a fait semblant d’autoriser les langues régionales, ce qui est fermement démenti sur le terrain. La politique de la France est l’éradication totale du breton.
 
L’HOMME BRETON EST RÉDUIT AU RANG D’UN ANIMAL
 
Ce qui se produit ici est insupportable. Les pires adjectifs, les pires formules sont utilisés pour décrire l’homme breton, y compris par ceux que l’on dénomme aujourd’hui les « grands écrivains » : Victor Hugo ; Honoré de Balzac, Gustave Flaubert, Posper Mérimée, Émile Zola et d’autres, traînent ce peuple de ploucs et de bouseux dans la boue.
Les Bretons sont une race inférieure. Ils sont, par nature, paresseux, sales et puants ; dans les villages, les enfants jouent dans la fange avec les cochons ; une mère n’y reconnaît pas ses petits : il n’y a pas de différence entre eux ; certains français se demandent s’ils sont des êtres humains ; d’autres consentent à les situer quelque part entre les animaux et les hommes ; le paysan breton, dit Hugo, « vénère d’abord sa charrue, sa grand-mère ensuite ; il aime ses poux » (citation littérale).
L’intellect du Breton celui des animaux ; il devient le prototype de l’arriéré mental, de l’idiot congénital. Il a un âge mental infantile, cela est dû à la dégénérescence de cette race. « On se demande, précise encore Hugo, si cet aveugle peut accepter la clarté ».
Les hommes qui profèrent ces horreurs - inscrites d’une manière indélébile dans la conscience des Bretons -, incultes, ignorent que ce pays, qui a ensemencé toute l’Europe au moyen âge par sa mythologie et sa spiritualité, tant religieuse que profane a toujours produit des hommes de lettres, des poètes, des juristes, de grands écrivains.
Parmi ceux que la France s’est appropriée, comme faisant parti de leurs écrivains, alors qu’ils ne sont pas français, qui ont conquis une audience internationale : le théologien Abélard, l’un des plus grands de son temps ; Chateaubriand, Victor Hugo (breton par sa mère), Renan, Lamennais, et tant d’autres.
 
L’HISTOIRE DE LA BRETAGNE EST TOTALEMENT SUPPRIMÉE, SCOTOMISÉE.
 
Les animaux n’ont pas d’histoire, les sauvages non plus. Selon les criminels de Paris - et les programmes scolaires qu’ils imposent -, la Bretagne n’a jamais existé, elle n’a jamais eu de souverains indépendants. De tout temps, elle fut, dit-on, une « région » française, mais rebelle.
Les jeunes Bretons sont tenus strictement à l’abri de savoir ou d’imaginer que le peuple auquel ils appartiennent a eu son histoire nationale. La seule chose qui filtre dans l’enseignement des lycées et collèges – il est difficile de croire ce que nous écrivons ici - tient en quelques phrases :
« les Bretons eurent autrefois une Duchesse, dénommée Anne de Bretagne ; elle portait des sabots de bois (d’où la célèbre chanson, un “tube” en France : Anne, Duchesse en sabots) ; elle épousa le roi de France, dont elle tomba amoureuse (!), Charles VIII ; en conséquence, elle apporta en dot la Bretagne à la France ».
Aucun autre élément n’est fourni, pendant toutes leurs études, aux élèves des lycées et collèges. Les Bretons ignorent donc, par la volonté délibérée de
l’État colonisateur, qui ils sont, qui furent leurs ancêtres, ce que sont leurs racines, encore moins qu’ils eurent un passé national prestigieux, sûrement pas que la Bretagne est devenue française par invasion, par violation du droit, et par destruction. Les signataires du présent rapport sont tous dans cette situation. Ils n’ont appris leur passé qu’une fois sortis de l’école, parce qu’un jour, le hasard a mis entre leurs mains l’une des rares histoires publiées sur la Bretagne, diffusée d’une manière confidentielle dans de rares librairies. Les grands héros de l’histoire bretonne sont « gommés », rayés des cadres ; Nominoé, le roi Salomon, Anne de Bretagne ? Pierre Landais, le Richelieu breton ? Comment les Bretons connaîtraient-ils ces personnages auxquels le pays occupant ne reconnait aucune existence ? La Bretagne était française de tous temps ; province crottée, elle a été élevée à la civilisation parce que la France a daigné la ramasser dans le ruisseau : c’est à peu près tout ce que les Bretons savent de leur passé lorsqu’ils sortent du lycée.
 
LA NÉVROSE BRETONNE D’ACCULTURATION.
 
L’étude des névroses collectives a été induite, en particulier, par les sociologues et les historiens qui se sont penchés sur les dégâts mentaux induits par l’acculturation forcée des populations Amérindiennes par les Espagnols. Cette pathologie concerne un grand nombre de nations, jadis libres.
Sous l’effet de la pression colossale qui est exercée parl’entourage, l’école, les livres, la radio, les instituteurs, les professeurs, les parents eux-mêmes, tant par le non dit que par ce qui est suggéré ou explicitement exprimé, l’enfant se met à détester tout ce qui lui rappelle l’infériorité de sa condition : ce patois hideux que parlent ses parents et son entourage, ces costumes de ploucs et ces coiffes d’un autre âge, ces moeurs résolument non distinguées, les tournures bretonnantes qui infectent le beau langage français, qu’on lui présente comme étant le modèle universel.
Il n’est rien, il le sait, il intériorise le modèle mau vais forgé de toutes pièces par le colonisateur. La névrose d’acculturation est à base de honte de soi.
Le phénomène diffuse, et gagne l’entourage. Les grands-parents, qui ne parlent ni ne comprennent le français - dans les campagnes en tout cas -, sont mis à l’écart, on ne leur adresse pas la parole : ce sont des ploucs, on se gausse de leur maladresse et de leur timidité, on ne voudrait certes pas leur ressembler. Un fossé culturel se crée entre les générations : les jeunes, élevés dans la civilisation qu’on croit belle du colonisateur ; les vieux, qui paraissent pitoyables et arriérés. Cela peut aller très loin : on a vu,dans les lycées et collèges, des enfants avoir honte de rencontrer au parloir leur propre
mère, à cause de son accent rocailleux, de sa coiffe en dentelles, de son habitus de femme plouque, et prétexter l’étude ou le travail pour ne pas montrer ce spectacle à ses camarades.
Au niveau individuel, les dégâts sont considérables. Les Bretons de ces générations sont à l’image de ce qu’ont été les Juifs pendant des millénaires, les colonisés, les esclaves : timides, honteux d’eux-mêmes, des êtres convaincus de leur infériorité native. Au niveau de la nation, c’est pire : celle-ci, jadis conquérante et glorieuse, est désormais honteuse d’elle-même. Elle va jusqu’à collaborer – en toute bonne foi – avec l’occupant pour « désincruster » ce qui reste des moeurs dont elle a été convaincue qu’elles sont préhistoriques. La créativité s’étiole au niveau collectif, la nation ne produit plus rien :
la « ploukisation » devient effective ; les natifs, guère en situation de comprendre ni d’analyser ce qui leur arrive, comme les esclaves élevés dans une situation qu’on leur a appris à accepter, accompagnent ou précèdent le mouvement sans le critiquer.
La guérison est au bout du chemin : c’est de renouer avec ses racines, accepter son histoire, critiquer et prendre ses distances avec ce qui s’est passé, et repartir dans une autre direction. La Bretagne est entrée dans cette phase.
 
L’AMPUTATION DU TERRITOIRE NATIONAL.
 
La France a été, au sens le plus vulgaire du terme, un pays nationaliste totalitaire. Elle a exalté son ego national d’une manière honteuse. Elle a transporté
ses armées dans les cinq continents, envahi des peuples nombreux, conquis un empire colonial de dix millions de kilomètres carrés, soit vingt fois sa propre superficie. Elle a eu pour prétention d’apporter « la » civilisation - la sienne, bien sûr -, au monde, et de se considérer comme le critère de l’Univers.
En 1941, estimant n’en avoir pas assez fait, le régime collaborationniste de Vichy décide, à la faveur d’un « redécoupage administratif », de créer une région artificielle, incluant la Loire Atlantique, qui est ainsi détachée du territoire historique national des Bretons.
Les noyades de Carrier, les colonnes infernales de Turreau, les crimes de Westermann n’ont donc pas suffi. La France, poursuivant par un processus interne sa colonisation, a cru pouvoir détacher de la Bretagne historique son joyau, pour l’intégrer dans une région fantoche, dénommée « Pays de la Loire ». La cause de ce qui a été présenté comme un « redécoupage » du territoire français : alors que la France a pactisé et collaboré avec l’ennemi pendant plusieurs années, alors que son chef s’est rendu à Montoire pour serrer la main de Hitler, a réalisé tout d’un coup, quelques dizaines – quelques centaines de Bretons s’étant tournés vers les Allemands, par l’espoir illusoire de retrouver leur liberté – a puni toute la Bretagne, ayant découvert que, malgré les siècles écoulés, malgré les persécutions et les crimes accomplis dans ce pays, les Bretons n’étaient pas devenus des Français. Les atrocités commises
par la France en Bretagne dépassent de loin, en abomination, les atrocités nazies.
La Loire, donc, continue à être la baignoire nationale de la sottise française, le fleuve révolutionnaire des inepties de sa philosophie archaïque et anachronique. La Loire-Atlantique, ainsi, est pour les Bretons, au sens le plus fort, le Tibet de la France.
 

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