VII - 1 L'ELIMINATION DE CLAUDE DE FRANCE DU DUCHE DE BRETAGNE -

30/09/2019 13:05

L'ELIMINATION DE CLAUDE DE France DU DUCHE DE BRETAGNE

 

 

 

 

 

 

I. Claude de France et François d'Angoulême.

 

 

L'une des singularités de l'affaire de Bretagne est le rôle méconnu joué par Claude de France dans la réunion du duché à la couronne de France ccxiii.

 

Neuf mois après le décès de son mari Charles VIII, survenu le 7 avril 1498, Anne de Bretagne épousa Louis XII, dans la chapelle du château de Nantes, aux termes de négociations serrées et du rocambolesque procès d'annulation du mariage du Roi avec Jeanne de France, fille de Louis XI ccxiv. L'union fut consommée dans la nuit, Anne fut enceinte immédiatement. Les sept enfants qu'elle avait eus de Charles VIII étaient morts ccxv.

 

Claude naquit à Romorantin le 13 octobre 1499, neuf mois après le mariage de ses parents. D'emblée, elle fut la plus riche héritière d'Europe, comme Marie de Bourgogne, et Anne de Bretagne le furent en leur temps ccxvi.

 

Sa qualité de fille unique d'Anne – jusqu'à la naissance de sa sœur Renée en octobre 1510 – fit d'elle, l'héritière désignée du trône de Bretagne ccxvii. Même s'il lui était advenu un frère, elle serait restée duchesse : celui-ci, dauphin de France, aurait succédé à son père ; mais en sa qualité de deuxième enfant du couple royal, le Traité conclu à Nantes en 1499 faisait d'elle l'héritière en titre ccxviii.

 

Ses parents étaient extrêmement riches. Son père possédait en propre ccxix, le duché d'Orléans, les Comtés de Blois, de Soissons, d'Asti, les Seigneuries de Coucy et de Romorantin "et plusieurs autres belles terres et seigneuries distinctes et séparées des biens de la couronne de France " ccxx.

Sa mère était comtesse de Montfort, de Richmont, d'Etampes et de Vertus ccxxi. Leurs biens meubles, en argent, en objets d'art, étaient considérables ccxxii. Louis, de surcroît,  prétendait au duché de Milan, à la Seigneurie de Gênes, au Royaume de Naples ccxxiii. Dès cette époque, il se désigne dans ses actes, non seulement comme Roi de France, mais aussi comme Duc de Milan, Roi de Naples et de Jérusalem ccxxiv.

 

Si l'on en croit Brantôme, Claude fut officiellement proclamée héritière : " Après que le Roy fut paisible Duc de Milan,[ses parents] la firent déclarer et proclamer en la Court de Parlement de Paris à huys ouverts, Duchesse des deux plus belles duchez de la chrétienté, qui estoient Milan et Bretagne, l'une venant du père et l'autre de la mère. Quelle héritière s'il vous plaist. Ces deux duchez joinctes ensemble, eussent bien faict un beau royaume" ccxxv.

 

Le projet de mariage franco-autrichien.

 

Comme toutes les princesses de son temps, Claude fut pour ses parents un instrument diplomatique et politique. Des négociations de mariage intervinrent entre la Cour de France, l'empereur Maximilien et son fils Philippe le Beau. Dès le 13 octobre 1501, par le Traité de Trente, Claude étant âgée de deux ans, son mariage avec Charles de Luxembourg, fils de l'Archiduc Philippe et de Jeanne la Folle, fut décidé ccxxvi.

On ignorait alors que l'illustre bambin règnerait sur le monde ancien et les Amériques sous le nom de

Charles Quint ; mais d'ores et déjà ses perspectives d'héritage étaient considérables.

 

Par le Traité du 5 avril 1502,  Louis XII, Ferdinand d'Aragon et Isabelle de Castille se dépouillèrent de leurs droits sur le royaume de Naples, au profit de Charles et de Claude ccxxvii ; manière élégante de régler à l'avance un contentieux qui n'aurait pas manqué de soulever de graves difficultés.

 

Par le Traité de Blois du 22 septembre 1504 ccxxviii, Maximilien réitéra à Louis XII sa promesse de lui accorder l'investiture du duché de Milan. Selon Varillas, l'empereur demanda 200 000 écus, et se contenta de 120 000 florins du Rhin, qui valaient 12 sols pièce ccxxix. L'acte de foi et hommage pour le duché de Milan fut rendu le 6 avril 1505 à Maximilien au nom du Roi par le cardinal Georges d'Amboise, qui fit dans ce but le voyage à Haguenau. Le Roi des Romains lui accorda l'investiture le lendemain ccxxx.

 

Les conventions conclues entre la Cour de France et l'empereur en 1501 et 1504 ont fait couler beaucoup d'encre. Il est nécessaire d'y revenir.

 

Le premier de ces traités accordait à Claude une dot mirifique : les duchés de Bretagne, de Bourgogne et de Milan, les Comtés de Blois et d'Asti, le Royaume de Naples ccxxxi. Le second de ces traités, en 1504 ccxxxii, y ajoutait encore la vicomté d'Auxonne, l'Auxerrois, le Mâconnais, la Seigneurie de Bar sur Seine. Ces fiançailles n'étaient pas sincères. Louis XII avait eu recours à un singulier expédient : le 30 avril 1501, à Lyon, il signa une déclaration dans laquelle il déclarait nul d'avance tout pacte patrimonial entre sa fille et tout autre que François de Valois, son neveu et héritier ccxxxiii. Malgré cela, on fit bonne contenance. L'Archiduc Philippe le Beau et sa femme Jeanne, allant prendre possession de leurs États en Espagne, quittèrent Bruxelles le 4 décembre 1501 et se dirigèrent vers la France, le Roi leur ayant proposé " fort élégamment" de faire le voyage par terre, assurant partout leur sûreté et de les protéger contre tous ennemis. Ils étaient accompagnés d'un train somptueux de deux cents cinquante personnes ccxxxiv. Ils arrivèrent à Blois le 7 décembre. Là, les attendaient le couple royal et tout ce que le royaume comptait de personnages importants, y compris le Roi de Naples, Frédéric d'Aragon, dépouillé de son royaume par Louis XII, mais pensionné par lui ccxxxv. Le cérémonial français décrit en détails les festivités étourdissantes organisées à la faveur de cette rencontre. La princesse Claude fit connaissance de ses beaux-parents. Cela ne se passa pas bien : " Monseigneur [l'illustrissime Archiduc] fut conduit pour saluer Madame sa belle-fille … La petite Madame Claude se prit si fort à crier, que l'on ne lui dit point pour lors "Dieu gard " , et ne fut fait là aucun honneur, mais fut portée la petite dame en sa chambre".

 

Ces deux traités suscitèrent, non sans raison, de fortes inquiétudes dans le royaume ; ils introduisaient les Autrichiens au sein même de la France, avec toutes les menaces que cela présentait pour le futur.

A l'occasion d'une grave maladie, en avril 1505, le Roi réalisa le danger. Il prit toutes dispositions pour que sa fille épouse le Dauphin François, et rédigea un testament à cette fin ccxxxvi. Mais il dut se dégager publiquement des obligations contractées envers le Roi des Romains et son fils. En mai 1506, à l'issue d'une mise en scène savante, les Etats Généraux du royaume réunis à Tours le supplièrent qu'il lui plût de : " donner sa fille unique en mariage à Monsieur François, ici présent, qui est tout françois"  ccxxxviiOn se jeta à genoux, on pleura de joie, à l'exception de la reine, qui parut fort courroucée. L'empereur fut outré, mais aux yeux de l'Europe, feignant d'avoir cédé à la sollicitation de ses sujets, Louis XII sauva la face ccxxxviii.

 

Les fiançailles de Claude de France et de François de Valois.

 

François et Claude furent fiancés séance tenante. Aux termes du contrat de mariage du 22 mai 1505 ccxxxix, solidement motivé, l'accord est conclu pour " le très grand profit, utilité et seureté de nosdits Roïaume, Païs, Seigneuries, Sujets et chose publique d'iceux ", après " l'avis et les supplications " des Princes, Seigneurs, Prélats, gens du Conseil, Grands et notables personnages, députés et délégués des Princes, grosses villes et cités du RoyaumeClaude y est désignée, non comme Duchesse de Bretagne – ce qui est voulu par sa mère, fort en colère de ce qui vient de se passer – mais comme " très excellente et puissante Princesse, Madame Claude de France". Le Roi constitue en dot à sa fille les comtés de Blois, de Soissons, d'Asti, les seigneuries de Coucy, " et tout ce qu'il y a au Roïaume, qui n'est que de l'apanage", se réservant l'usufruit sa vie durant. Du côté maternel, compte tenu des avantages considérables qui furent accordés à Claude lors des fiançailles avec Charles de Luxembourg, la reine serre drastiquement les cordons de la bourse. Elle constitue en dot à sa fille," la somme de cent mille écus d'or" , sans rien y ajouter, en particulier aucune terre ou seigneurie. Ce n'est pas tout à fait rien, mais compte tenu de la fortune de la reine, c'est négligeable : une somme identique fut déjà accordée, en 1455, à Marie de Bretagne, fille du Duc François Ier, grand-père d'Anne de Bretagne, lorsqu'elle épousa le Vicomte Jean de Rohan, pour " droits de succession tant de père que de mère" ccxl. La mauvaise humeur de la reine transparaît dans la maigreur de cette dot, peu digne de la plus grande souveraine de la chrétienté. François de Valois est tenu d'accorder les garanties d'usage : " bien dûement assigner sur ces terres … au profit de madite Dame Claude", ces cent mille écus étant " de vrai patrimoine et héritage pour madite Dame et ses héritiers". On prévoit que si Claude vient à passer de vie à trépas sans laisser d'hoirs, la reine récupérera le magot, si elle survit à sa fille. Ce n'est pas tout. Anne " par la grâce de Dieu, Reine de France, Duchesse de Bretagne"  impose un addendum au contrat. Alors que son traité de mariage avec Louis XII ccxli, en janvier 1499, prévoyait que s'il naissait deux enfants du couple royal, le deuxième hériterait du duché de Bretagne – clause destinée à soustraire définitivement la Principauté aux convoitises françaises – Anne se réserve la possibilité, s'il lui naît un enfant mâle de lui donner sa Duché, si elle l'estime opportun :

" S'il avenoit, [ce] que Dieu veuille, que la reine ait enfant mâle, elle pourra disposer de la Duché de Bretagne au profit de sondit fils, et bailler si bon lui semble et faire le vœu, nonobstant le contenu du contrat de mariage du Roi et de ladite dame, auquel quant à ceux, iceux Sieur et Dame ont expressément dérogé et dérogent par ces présentes, le surplus néanmoins du Traité demeurant en sa force et vigueur en toutes autres choses"ccxlii.

 

Cette disposition a manifestement été arrachée au Roi par sa femme, pour mieux garantir l'avenir de la Principauté, et empêcher ce petit imbécile d'Angoulême, à la faveur de son mariage avec Claude, de devenir Duc de Bretagne ccxliii.

Ce contrat solennel engageant l'avenir de la Bretagne, sont présents et signent du côté breton : le Chancelier de Bretagne, l'Evêque de Nantes, les seigneurs de Rohan et de Rieux, le Général des finances de Bretagne, entres autres.

 

L'opposition d'Anne au mariage.

 

Tant qu'Anne vécut, elle ne cacha pas son hostilité au mariage de sa fille avec François de Valois. Elle espéra qu'il n'aurait pas lieu. Les témoignages des chroniqueurs, sur ce point, concordent. Ainsi Martin du Bellay : " Elle voulait un autre gendre, elle n'aurait pas laissé les choses en arriver là … Le mariage ne s'étoit su faire du vivant de ladite royne Anne, parce qu'elle aspiroit plutôt au mariage de Charles d'Autriche, pour ceste  heure, empereur " ccxlivBrantôme confirme : " [si la reine] eust vescu, jamais le roy François ne l'eust espousée…[elle] la vouloit fort marrier à Charles d'Austriche, depuis empereur ; si elle eust vescu, cela se fust faict, car elle s'en faisoit accroire par-dessus son mary, et mesmes pour le mariage de ses filles, desquelles elle vouloit avoir la totalle charge et soucy "ccxlv.

 

Quelles raisons poussèrent Anne à s'opposer avec une sorte de fureur à une union qui, du côté français semblait raisonnable à tous, et faisait de sa fille une future reine de France ? Les chroniqueurs ont invoqué, sûrement avec raison, la haine farouche qui opposait la reine à Louise de Savoie. Martin du Bellay : " Et disoit-on que l'occasion qui à cela la mouvoit, estoit pour la haine qu'elle portoit à Madame Louise de Savoye, mère dudit Duc d'Angoulesme ccxlvi. Brantôme confirme : " Elle haissoit mortellement Madame d'Angoulesme, depuis Madame la régente, n'estant leurs humeurs guères semblables, et peu accordantes ensemble …elle vouloit colloquer sadite fille avec Charles d'Austriche" ccxlvii.

 

Anne ayant perdu tous les enfants qu'elle avait eus de Charles VIII, considérait avec irritation ce gros garçon joufflu, débordant de vie et de santé, aimé du Roi de surcroît, qui le considérait comme son fils ccxlviii. La principale motivation de la reine était que ce mariage mettrait son duché en danger. S'il advenait qu'elle n'eût pas d'enfant mâle, et que François montât sur le trône de France, c'en fût fait de la Bretagne ; Claude, devenue reine, n'aurait pas été en mesure de s'opposer à la volonté de son mari de s'emparer du Duché. Dom Morice est de cet avis : " Deux raisons étaient causes de cette opposition [de la Reine au mariage]. La première parce qu'elle haissoit la Comtesse d'Angoulême, mère du Comte … La seconde… est qu'elle prévoyoit que par cette alliance la Bretagne alloit être unie irrévocablement à la couronne." ccxlix

 

De là à prétendre qu'Anne a été l'unique artisan des fiançailles de Claude avec Charles de Luxembourg, et qu'elle a voulu ce mariage dans le but de démembrer le royaume, il y a loin. C'est cette thèse que soutient Michelet :

 

" Anne, toujours mal mariée, et par la raison politique qui unissait son duché à la France, vivait d'orgueil et de domination. Maximilien, son fiancé, qu'elle ne vit jamais, mais qu'elle aima, eut son cœur et, depuis, nul autre … Elle ne se mêlait pas moins des affaires de la France. Les ambassadeurs étrangers songeaient à s'assurer d'abord des deux vrais rois, du roi femelle (sic) et du roi cardinal [Georges d'Amboise]… Elle n'avait au cœur que sa Bretagne, le souvenir de Max (sic), son premier fiancé et une ambition furieuse pour cette fille au maillot. Elle la voulait impératrice du monde, femme du petit-fils de Max [Charles de Luxembourg]. Cet enfant redoutable, qui allait absorber les trois couronnes de l'Espagne, de l'Autriche et des Pays-Bas épouvantait l'Europe de sa future grandeur : elle le voulait encore plus grand …Mari fidèle et bon père de famille [le Roi] associait la Reine, autant qu'il pouvait, à la royauté. Le pis, c'est qu'elle restait souveraine étrangère, correspondant directement avec le Pape, lui restant fidèle dans la guerre que lui fit le Roi. Celui-ci, toujours maladif, tombe malade, s'alite. Elle le soigne seul, l'enveloppe, en tire un pouvoir pour le mariage de sa fille ; et, avec ce pouvoir, elle signe d'un coup la mort de l'Italie et de la France, rayant Venise de la carte, et démembrant la monarchie…Est-ce tout ? Non ; à une nouvelle maladie du Roi, en 1505, elle veut enlever sa fille en Bretagne, saisir l'héritier du Royaume, le jeune François Ier. Elle eût biffé la loi salique, abaissé la barrière qui ferme le trône à l'étranger… Elle eût raflé la monarchie(!).

 

Cette position absurde n'est plus admise par personne. Au début du siècle pourtant, Henry Lemonnier ccl écrit encore : " On n'arrive pas à s'expliquer par quelles raisons, en vue de quels profits matériels, le Roi avait consenti à signer de pareils engagements, et ses conseillers à y donner leur adhésion. On ne peut y voir que l'effet de la monomanie d'Anne de Bretagne et de la décrépitude maladive de Louis XII… Il faut presque admettre que le fond des choses, c'était l'hostilité engagée depuis longtemps, bien que latente, entre Anne de Bretagne et Louise d'Angoulême. Ces deux femmes, si différentes d'esprit et de mœurs, se détestaient. Anne, acharnée à obtenir un fils, toujours déçue dans ses espérances, malgré des grossesses répétées, était mise hors d'elle par la présence de ce jeune Comte d'Angoulême, héritier présomptif du royaume. Le mariage de sa fille Claude avec lui ne la satisfaisait pas, parce qu'elle sentait bien qu'après la mort de Louis XII, toute l'influence irait à la mère du nouveau roi, et que la Bretagne ne resterait pas sous le gouvernement de sa fille".

 

Des raisons objectives confortaient la reine dans son opposition au mariage de sa fille avec l'héritier des Angoulême. Le Dauphin François, né en 1494, en cette période de forte mortalité infantile, pouvait fort bien disparaître ; il était difficile de ne pas y penser. Le roi et la reine pouvaient encore avoir des enfants. Le Roi était d'une santé chancelante, mais il prouva jusqu'à la fin de ses jours qu'il était apte à remplir ses fonctions de géniteur. Née en janvier 1477, les espérances de la reine étaient fondées, puisqu'elle eut encore de son mari deux enfants, la princesse Renée, en octobre 1510, et un garçon qui ne vécut qu'une heure, le 23 janvier 1512 ccli. Les contemporains ont souligné son extrême désir d'avoir des enfants, et qu'elle faisait consciencieusement ce qu'il fallait pour cela. Son avenir comme celui de la Bretagne dépendait de ses maternités futures. Mère d'un dauphin, elle fût devenue une reine-mère respectée ; mère de deux enfants, elle aurait eu la satisfaction de voir l'un régner sur la France, l'autre sur la Bretagne. A l'inverse, François de Valois, devenu Roi, sa sécurité risquait de se trouver compromise, tant la haine que lui vouait la famille d'Angoulême était puissante. Elle n'avait pas même l'assurance que sa fille épouserait le Roi, ni qu'il la laissât jouir en paix du duché de Bretagne, dont on pouvait craindre qu'il tenterait de s'emparer cclii. Le mariage avec François d'Angoulême n'était qu'une éventualité, tout juste une plausibilité. Pour avoir elle-même, enfant, été promise aux fils du Roi d'Angleterre, de l'Empereur, du Roi d'Aragon, et été au centre de nombreuses négociations matrimoniales avant même qu'elle eut atteint 10 ans, elle savait ce que valaient ces engagements matrimoniaux, et qu'ils étaient rompus aussi facilement que conclus ccliii.

 

Le mariage de Claude et de François d'Angoulême.

 

Mais les choses n'allèrent pas comme Anne l'avait souhaité. François continua à prospérer. Elle n'eut pas de fils survivant, seules ses deux filles vécurent. A l'issue d'une cruelle maladie, elle rendit l'âme le 9 janvier 1514, après avoir recommandé ses enfants – par nécessité politique, probablement – à sa mortelle ennemie, Louise de Savoie ccliv . Elle fut très regrettée de la France comme de la Bretagne. Si son caractère déterminé lui avait valu des ennemis, sa piété et sa bonté foncières lui  avaient gagné les cœurs, même si ce fut graduellement et par étapes cclv.  Au château de Cognac, où se trouvait le Dauphin François, sa sœur Marguerite et leur mère Louise de Savoie, la joie éclata sans mélange cclvi. Le 14 janvier, François fit une entrée solennelle à Angoulême : la loi naturelle venait d'éliminer le principal obstacle à son accession au trône. Louise nota triomphalement dans son journal : " Le lundy 9 de janvier 1514, la Reyne Anne trespassa à Blois…le mercredy  11 de janvier, je partis de Cognac pour aller à Angoulesme … le samedy 14 de janvier, mon fils, à 3 heures après-midi, fit son entrée à Cognac".

 

Jusqu'à la fin, la reine avait nourri l'espoir que Claude épouserait Charles de Luxembourg. Elle-même avait été mariée à Maximilien d'Autriche, alors Roi des Romains, pendant un an. Le mariage avait été célébré à Rennes le 19 décembre 1490. A la grande stupeur de l'Europe, elle épousa secrètement le roi Charles VIII, à Langeais, le 6 décembre suivant, et devint Reine de France, sans même que son précédent mariage – non consommé charnellement, il est vrai – fût annulé cclvii . Si l'on en croit Sismondi cclviii, dans les tous derniers jours de sa vie, elle appela Fleuranges auprès d'elle ; il avait de nombreuses relations en Allemagne. " C'estoit, écrit-il, pour quelque menée qu'elle vouloit faire avec le roi de Castille [Charles de Luxembourg] et toute la maison d'Autriche; et avoit le cœur merveilleusement affectionné à faire plaisir à cette maison de Bourgogne".

 

La reine disparue, toutefois, le mariage n'alla pas de soi. Maulde de la Clavière relate en détails les hésitations du Roi cclix. Louis XII, dont le grand chagrin avait été de n'avoir pas de fils, s'était pris d'affection pour son neveu François. Sa vivacité, son esprit charmeur et enjoué le séduisirent cclx. Il le considérait comme son fils. Mais avec les années, les défauts du Dauphin devinrent évidents. Il multipliait les conquêtes féminines. A ce moment, il menait une liaison avec la belle Madame Disomme cclxi. Ce que le Roi pouvait admettre en sa qualité d'oncle, était moins supportable en sa qualité de futur beau-père. Surtout, son esprit d'économie, lui si jaloux de ses deniers et de ceux de ses sujets, s'offusquait des dépenses de François, qui étaient devenues extravagantes. Pour l'année 1514, les dépenses de sa maison dépassèrent cent quarante mille livres : la dot d'une fille de France ! cclxii.

 

Ces désordres financiers le scandalisaient et le peinaient. A-t-il ouvert les yeux sur le peu d'affection que lui rendait la famille d'Angoulême, à qui il avait tant donné ? C'est ce que suggère Zeller cclxiii, qui écrit qu'on lui avait rapporté que François ne le respectait guère dans ses propos privés, tant il est vrai qu'il n'aspirait qu'à hériter cclxiv.

 

Selon les usages des Cours, le roi réserva sa décision jusqu'au dernier moment. En mai, le bruit courut encore d'une nouvelle combinaison matrimoniale aux termes de laquelle Claude épouserait l'Archiduc – qui deviendrait donc le Duc de Bretagne – sa sœur Renée épousant son frère … et Louis XII leur
sœur ! cclxv. Le duc d'Angoulême retournait à son néant.

 

Le 8 mai, le roi partit pour Saint Germain cclxvi. Le mariage fut annoncé soudain, le 13 mai, sans tambours ni trompettes. Sans enthousiasme d'ailleurs cclxvii. Alors que le mariage des filles de France donnait lieu traditionnellement à des réjouissances grandioses, celui-ci se déroula dans la plus grande simplicité, le 18 mai. André de la Vigne, témoin écrit : " Ni trompettes, ni clairons, ni tambourins, ni ménétriers ; pas de joutes ni de tournois, pas d'ambassadeurs, pas l'ombre de draps d'or ni de soie, de satin, ni de velours" cclxviii.

 

Après la messe et le dîner, le roi alla chasser comme d'habitude, et tout fut dit. Il faut l'imagination de Fleuranges pour voir dans ce mariage une cérémonie grandiose, ce qu'elle ne fut pas : " Le Roy avoit auparavant baillé audict Sieur d'Angoulesme le Duché de Vallois, afin qu'il eust nom Duc…Incontinent partit dudict chasteau d'Amboise, bien accompaigné et vinst à Saint Germain-en- Laye, qui est un fort beau chasteau à cinq lieues de Paris, beau parc en belle chasse. Et luy arrivé, au bout de quatre jours après, feurent faicts les nopces les plus riches que vis jamais ; car y avoit dix mille hommes habillés aussi richement que le Roy, ou que Monsieur d'Angoulesme qui estoit le marié."

 

En fait, la cérémonie fut sombre et triste. Le roi et Claude souffraient de la mort de la reine. Tout le monde était vêtu de noir, le roi ne voulut pas lever le deuil, même pour cette journée cclxix. Zeller dit que François fut très mécontent de cette absence de pompe, et qu'il rapporta le fait à l'avarice de son beau-père. Cette fois, la Bretagne était bel et bien captée par un prince français, ce que l'on
remarqua cclxx. Louis XII fut triste, et ne manifesta aucun plaisir. De Maulde, qui a tout lu, commente : 
" Quant au Roy, on eût dit Abraham immolant de ses propres mains la chair et de sa chair, après avoir longtemps sondé les profondeurs du ciel, sans y apercevoir l'ange libérateur. Vraiment, il voyait déjà de ses yeux sa fille succomber aux mauvais traitements" cclxxi.

 

François ne marqua aucun empressement auprès de sa jeune femme et retourna à ses plaisirs cclxxii.

 

En juillet, il se rendit au château de Blois où séjournaient le roi et sa fille. Louise s'y rendit aussi ; elle faillit en mourir ; elle écrit : " Le 8 de juillet 1514, je cuiday demeurer à Blois pour jamais car le plancher de ma chambre tomba ; et j'eusse esté en extrême danger, n'eust esté ma petite bigote [sa chienne ?] et le Seigneur des Brûlés, lesquels premièrement s'en aperceurent. "  Et d'ajouter rageusement : " Je crois qu'il falloit que toute cette maison fut réclinée sur moy et que, par permission divine, j'en eusse la charge".

 

Un couple mal assorti.

 

On ne connaît à peu près rien des sentiments de Claude à l'égard de son époux. La tradition veut qu'elle en fut très amoureuse, car il était très bel homme. En réalité, on sait seulement qu'elle lui fut très docile, de même qu'à l'égard de sa belle-mère, qui ne le ménagea pas cclxxiii. Elle a si peu intéressé les historiens et les biographes qu'on ne connaît que peu de choses de sa personnalité. Brantôme, d'ordinaire si prolixe, ne lui consacre, en tout et pour tout … qu'une page et demie … Il en trace le portrait suivant : " Elle fut très bonne et très charitable, et fort douce à tout le monde, et ne fist jamais desplaisir ny mal à aucun de sa court ny de son royaume. Elle fut aussi fort aymée du Roy Louys et de la Reyne Anne, ses père et mère et estoit leur bonne fille et la bien aymée, comme ils luy monstrarent bien…Le Roy son mary luy donna la vérole qui luy advança ses jours. Madame la régente, sa belle-mère, la rudoyoit fort ; mais elle se fortifioit le plus qu'elle pouvoit de son bon esprit et de sa douce patience et grand sagesse pour supporter ses rigueurs".

 

Claude était en tous points un personnage insignifiant. Elle était née à Romorantin, le 15 octobre 1499, chez sa future belle-mère, Louise de Savoie. Elle était petite ; elle qui n'avait aucune prédisposition à être belle, sa forte corpulence ne fit que s'accroître avec ses grossesses. L'un de ses rares portraits est tracé de la main de l'ambassadeur Gattinara, dans une lettre à Marguerite d'Autriche : " Du visaige, elle ressemble fort à la Reyne, sa mère, elle est bien petite et destrange corpulence, … et certes sa grâce de parler supplest beaucoup de la faulte de baulté" cclxxiv. Bref : aucun charme physique, peu d'intelligence, aucun charisme : la nature ne l'avait point choyée.

 

François était tout l'inverse. Ses contemporains le décrivent d'une manière flatteuse. Le Loyal serviteur : " Beau prince autant qu'il ny en eust point au monde". cclxxv Mézeray surenchérit : " Lorsque ce prince parut sur le throsne à la fleur de sa jeunesse avec la mine et la taille d'un héros, avec une merveilleuse adresse dans tous les nobles exercices d'un cavalier, brave, libéral, magnifique, civil, débonnaire et bien disant, il attira l'adoration du peuple et l'amour de la noblesse" cclxxvi.

 

Martin du Bellay confirme ces louanges : " Il estoit magnanime et généreux, amateur de bonnes lettres, lequel, par son moyen, a illuminé les ténèbres d'ignorance, lesquelles avoient régné par cy- devant. Il aima toutes gens d'esprit …et fit venir de toutes les parties du monde gens instruits en toutes sciences et arts libéraux, pour édifier la jeunesse en bonnes mœurs et sciences : et, combien qu'il eust esté noury aux estudes en son jeune âge, n'estoit science de laquelle il ne pust rendre raison, d'autant qu'il avoit souvent communiqué avecqs gens excellens en toute érudition et que Dieu l'avoit doué de divine mémoire de sorte que toutes gens qui l'ont hanté, ont confessé avoir plus apprins de luy que luy d'eux" cclxxvii.

 

Pour Brantôme, qui ne tarit pas d'éloges, c'est mieux encore. Ne craignant pas l'hyperbole, il le compare à " Alexandre, Pompée et d'autres" (sic). Il était, selon lui, grand de sa taille, de corpulence très belle, bon chrétien, aimant Dieu " sans le jurer ni blasphémer oncques" servant fort " l'église catholique, apostolique et romaine …fort réveremment, sans aucune bigoterie et hypocrisie". Ce n'est pas tout : il n'était " ny envieux, ny usurpateur du bien d'autrui …" …, bon à son peuple " ne le tyrannisant par trop" (sic) ; au demeurant, fort doux, miséricordieux, apte au pardon, préférant disgracier que punir, très grand justicier, respectueux de sa mère et lui obéissant, amateur de belles lettres et de " sçavantes personnes" , libéral et magnifique, aimant à donner, etc… Sauf à préciser que François était superficiel, léger, versatile, peu entendu intellectuellement, grand dépensier, oppresseur de son peuple par les charges fiscales monstrueuses qu'il lui imposait pour soutenir ses guerres, mauvais stratège et capitaine – quoique courageux - , inapte à la gestion des affaires civiles comme des affaires militaires, peu habile à choisir des collaborateurs intelligents, peu scrupuleux lorsqu'il s'agissait de s'emparer du bien d'autrui (de sa femme Claude, de sa belle-sœur Renée, du connétable de Bourbon, de Semblançay …), il était indiscutablement un personnage séduisant, d'une bonhomie souriante et aimable, qui lui attirait presque partout la sympathie cclxxviii. A côté de son ilote d'épouse, timide, réservée, sans aucun attrait physique ni intellectuel, François de Valois avait fort grande allure et attirait à lui avec aisance tous les suffrages.

 

Sa vie conjugale fut à l'image de celle de nombreux rois de France qui, quoique peu attirés par leurs femmes, accomplirent avec une régularité pendulaire leur devoir de géniteurs d'héritiers royaux cclxxix. Claude fut grosse chaque année, et même si elle avait eu de l'énergie à dépenser dans d'autres tâches, elle n'aurait guère eu le temps de se préoccuper d'autre chose que de mettre bas ses enfants. Elle fut encore plus prolixe que sa mère ; en neuf ans, son mari lui fit six enfants cclxxx. François eut d'autant plus de mérite d'honorer son épouse avec cette ponctualité, qu'il dépensait abondamment son énergie par ailleurs, auprès de ses multiples conquêtes et maîtresses. On aurait pu dire de Claude ce que Commynes écrivait à propos de Charlotte de Savoie, femme de Louis XI : " La reine n'était pas de celle avec qui le roi pût prendre beaucoup de plaisir ; mais bonne dame était".

 

François de Valois, Duc de Bretagne. Réactions des Bretons.

 

Un problème a souvent été soulevé : la vraie Duchesse n'était-elle pas Renée plutôt que Claude ? Dans la mesure où le traité de mariage d'Anne de Bretagne et de Louis XII prévoyait que le deuxième enfant – le premier étant devenu roi de France – monterait sur le trône de Bretagne, Claude était-elle habilitée à devenir Duchesse ? Lors du procès qu'elle fit à son neveu, Charles IX, à son retour d'Italie, Renée devenue veuve du Duc de Ferrare soutint cette thèse en justice. Dans sa requête au roi cclxxxi elle écrit  : " Par le traité de mariage entre le Roi Charles VIII et la Royne Anne, mère de la suppliante, appartiendroit au second enfant le duché de Bretaigne; et depuis, par le traité de mariage d'entre le Roi Louis XII et la Royne Anne, ses père et mère, le duché de Bretaigne appartiendra au second enfant de leur mariage, soit masle ou femelle."

 

En réalité, les droits de Claude au trône de Bretagne ne font aucun doute. Les lois de dévolution de la couronne dans le duché, moins rigides qu'en France, appelaient la fille aînée à la succession de son père décédé, à défaut d'héritier mâle cclxxxii. Il n'y a aucune trace que la légitimité de Claude ait été contestée en Bretagne durant son règne. Plusieurs mentions explicites de son titre de Duchesse, à elle donné dans des actes ou comptes-rendus officiels démontrent que telle était bien sa qualité cclxxxiii. Le problème aurait pu se poser si Claude avait été mariée à François, Dauphin de France, du vivant d'Anne de Bretagne. Le danger de voir engloutir le duché dans le royaume aurait alors peut-être conduit à prendre des mesures destinées à prévenir la situation. Anne aurait-elle pu modifier la loi de succession, et imposer Renée sur le trône après elle ? Rien ne prouve qu'elle eût obtenu le consentement des États. Renée, au demeurant, était âgée de quatre ans seulement lors de la mort de sa mère en 1514 ; il n'était pas sans risque de placer une enfant sur le trône et de désigner un régent. D'autant que le traité de mariage d'Anne et de Louis XII prévoyait qu'à défaut de deuxième enfant habile à succéder à la reine, la clause valait pour les générations suivantes, le deuxième enfant – mâle ou femelle – de Claude devenant l'héritier de la couronne ducale.

 

On n'a pas conservé de trace des réactions des Bretons au mariage de Claude avec François de Valois. Cette union ne fut pas pour eux une surprise, ayant été décidée huit ans auparavant, en mai 1506, à l'occasion des États de Blois. Leurs députés y avaient d'ailleurs été appelés, et il semble qu'ils aient témoigné la même opposition que les français aux fiançailles de Claude avec Charles d'Autriche cclxxxiv. De plus, ils eurent vent des pourparlers en cours en vue du remariage du roi avec une princesse d'Angleterre. Le Duc de Valois n'était donc que le " présomptif ", l' "héritier apparent", comme le dit Saint Gelais lors des fiançailles de 1506 : rien ne prouvait encore que François deviendrait roi de France.

 

On a souvent écrit que François n'a pas porté le titre de Duc de Bretagne. Les déclarations de Renée, lors du procès intenté par elle au roi Charles IX à son retour d'Italie, ont accrédité cette idée cclxxxv. Rien n'est plus faux. La tradition bretonne n'interdisait pas à un prince étranger, devenu mari de la Duchesse, de prendre le titre de Duc, même si, aux yeux des Bretons, il n'était rien de plus qu'un " prince consort" cclxxxvi.

 

François porta son nouveau titre immédiatement, car il est vrai qu'il était prestigieux cclxxxvii. Une anecdote rapportée par Fleuranges en témoigne. Lorsque Marie d'Angleterre, la nouvelle reine de France, arriva à Abbeville, le 8 octobre 1514, François convia à souper les princes d'Angleterre. Premier prince du sang, il avait l'habitude qu'on lui donnât du " Monseigneur ". Or, les Anglais s'obstinaient à l'appeler " Monsieur le Duc". Il s'en étonna " vu qu'il y en a tant par le monde, et que vous l'êtes comme moi", leur dit-il. A quoi ils répondirent : " que c'estoit pour ce qu'il estoit duc de Bretagne [et] que c'estoit la principale duché de toute la chrestienté, et qu'il se devoit nommer duc, sans queue", c'est à dire sans autre précision, le titre se suffisant à lui-même cclxxxviii. Tel était en effet le prestige des ducs de Bretagne, que partout, eux et leurs ambassadeurs passaient devant tous, immédiatement après les rois, car leurs ancêtres avaient été rois, et fort antiquement cclxxxix. On vit encore François faire ostensiblement étalage de son titre de duc de Bretagne, en novembre 1514, lors des joutes organisées à Paris à l'occasion du mariage du roi, dans lesquelles il porta les couleurs de la reine ccxc. Devenu roi le 1er janvier 1515, il n'en fit plus usage dans sa titulature habituelle, mais conserva son titre de duc de Bretagne pour tous les actes de gouvernement réalisés dans le duché. Il évita de s'en servir d'une manière publique pour la double raison que, roi d'un pays ennemi de la Bretagne, il ne fut jamais accepté sincèrement par les Bretons. Ce que confirment les juristes du roi Charles IX dans un acte en réponse à la duchesse Renée de Ferrare : Si le roi François 1er, écrivent- ils, ne porta pas le titre de duc de Bretagne, ce n'est pas parce qu'il n'y eut pas droit, mais parce que " cela se faisoit pour desmouvoir (= ôter l'émotion) un peuple qui estoit encore rebelle et contumax de sa nature, et d'autant plus difficile à dompter [qu'il avait] la mémoire, le souvenir et la douleur du prince en son pays …" ccxci. Rares sont en effet les actes dans lesquels les Bretons acceptent de reconnaître le roi de France comme duc de Bretagne ccxcii.

 

 

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