1499 traité du 7 janvier 1499.
Anne est redevenue duchesse de Bretagne selon les dispositions du texte signé à Langeais le 6 décembre 1491. Ce document, en effet, dispose :
Entièrement dépossédée de toutes ses attributions et de ses droits de souveraine par son mari Charles VIII, par son pseudo-mariage du 6 décembre 1491, Anne de Bretagne retrouve tous ses droits et privilèges de duchesse de Bretagne, sans aucune exception, par le traité de mariage signé à Nantes le 7 janvier 1499. Ce document dont la rédaction a été imposée pied à pied par Anne à Louis XII, comme condition sine qua non du mariage, n’est pas une concession faite par le roi de France aux Bretons, maix une restitution de ce qui leur appartient. Il rétablit les droits souverains du Duché, qui recouvre sa totale indépendance. Anne de Bretagne l'a voulu ainsi, et n'a d’ailleurs épousé son cousin Louis XII qu’à la condition qu’il accepte ce qu’elle lui a imposé . Contrairement à ce qui a été souvent écrit, en signant ce document, Louis XII ne fait aucune concession ni à la duchesse ni aux Bretons : Charles VIII s’était emparé de la principauté, à la suite guerre conduite en violation du droit, sans y avoir aucun droit. Il s’est imposé par la force, par un processus d’annexion. Louis XII, qui lui succède sur le trône de France ne fait que restituer aux Bretons ce qui leur appartient. Il y a retour pur et simple à l’état antérieur, en aucun cas indépendance concédée par le roi de France. Celui-ci devient duc de Bretagne par sa femme, en aucun cas parce qu’il possède un droit propre à le devenir, mais parce que les traditions constitutionnelles de la Bretagne en décident ainsi. Le voleur qui restitue l’objet volé à son véritable propriétaire, n’a jamais eu aucun droit sur l’objet qu’il restitue, par cet acte, c’est ce qui se passe en 1499 pour la Bretagne, qui ne fait que reprendre ce qui lui appartient. Ce texte complexe (Mor. Pr. III, 813), rédigé en vieux français, quasiment incompréhensible pour le lecteur d'aujourd'hui, il est nécessaire de le traduire en français moderne, et de le commenter. Il EST L’ŒUVRE MAJEURE d’Anne de Bretagne. N’aurait-elle que ce traité à son actif, cela ferait d’elle une héroïne.
- Les droits de la Bretagne et de la France ne pourront en aucun cas être confondus désormais. « Tous les droits de la couronne de France et du Duché de Bretagne seront garantis d’une part et d’autre » ; pour ce faire y seront commis, tant de notre part que de la part de notre cousine et du Pays de Bretagne, de bons et notables personnages pour bien dresser le tout, de telle façon que les droits de Bretaigne (Bretagne) seront gardés.
- La duchesse retrouve, de plein droit, son titre ducal. Ce n’est pas la fille du duc François II que Louis XII épouse, mais la vraie duchesse de Bretagne :ce n'est pas la fille de son cousin François, duc de Bretagne, que ... a été fait & accordé entre nous de notre part, et notre très chère & très aimée cousine la Reine Anne Duchesse de Bretagne de la sienne, plusieurs points & articles ayant été accordés entre nous & elle, et ceux-ci mis et rédigés par écrit, desquels articles et conventions avons accordé Clause n°6, & que en tant que tout ce qui concerne de nous nommer & intituler Duc de Bretagne et les choses qui concerneront le fait du Pays de Bretagne,
- Institutions . Le Duché conserve les mêmes institutions politiques que sous ses Ducs souverains, afin, précise le texte, « de garder et conduire le Pays de Bretagne et les sujets de ce Pays en leurs droits, libertés, franchises, usages, coutumes et styles, tant au fait de l’Eglise, de la Justice, comme Chancellerie, Conseil, Parlement, Chambre des Comptes, Trésorerie générale, et autres de la Noblesse & commun peuple, ».
Le pouvoir législatif fonctionnera comme sous les ducs : « aucune nouvelle loi ou constitution n’y sera faite, uniquement en la manière accoutumée par les Rois et Ducs prédécesseurs de notre cousine la Duchesse de Bretagne ; que nous voulons, entendons, accordons, & promettons garder & entretenir le Pays de Bretagne & sujets de Bretagne en leurs droits & libertés, ainsi qu’ils en ont jouis du temps des Ducs prédécesseurs de notre cousine.
s’il advenait que de bonne raison il y eut quelque cause de faire mutations, particulierement en augmentant, diminuant ou interprétant les droits, coutumes, constitutions ou établissements ; que ce soit par le Parlement & Assemblées des Etats du Pays de Bretagne, ainsi que de tout temps est accoutumé & qu’il n’y soit pas fait autrement ; nous voulons et entendons que cela se fasse ainsi, que vous appeliés toutes voies les gens des trois Etats du Pays de Bretagne.
- La Bretagne est assurée, par ce traité, de demeurer à jamais, comme sous ses ducs, un pays souverain, avec ses lois, ses coutumes, ses princes naturels, c'est-à-dire Bretons..
- Officiers. .- Nomination aux fonctions, postes et offices : - Toutes les décisions prises en Bretagne par la Duchesse, depuis la mort de Charles sont confirmées, en particulier les nominations d'officiers, sont confirmées sans changement. Il sera pourvu aux offices qui vaqueront par la mort, la forfaiture ou autrement, par la Duchesse de Bretagne. Les lettres de nomination seront faites et scellées en Bretagne.
l’ensemble des autres choses faites par notre cousine Anne de Bretagne durant ce temps, sans qu’il soit besoin de rédiger d’autres Lettres, uniquement la lettre de ce présent Traité
- Nominations aux bénéfices, évêchés, abbayes, etc.
Les bénéfices, de quelque nature qu’ils soient, en suivant les droits du Pays de Bretagne, ne pourront être donnés qu’ aux gens de Bretagne ; nulle autre personne ne peut obtenir de bénéfices en Bretagne , autrement qu’après avoir obtenu des Lettres de naturalité, et uniquement par la nomination de notre cousine Anne de Bretagne. en ayant regard au grand nombre des Nobles du Pays de Bretagne qui ont accoutumé de vivre et d’être entretenus de ses choses, nous firent ceci en complaisant à notre cousine, ainsi que entre nous & elle fera avisé & ordonné.
Clause n°10, & que en tant que tout ce qui concerne certaines remontrances déclarées dans ces articles contenant que par les droits, libertés, indults & anciennes possessions du Pays de Bretagne qui est limitrophe, la nomination & présentation des Evéchés, quand la vacation advient, appartient aux Princes du pays de Bretagne, même pour Nantes qui est l’une des principales cités & forteresses du Pays de Bretagne, & qu’en usant de ces droits, indults & anciennes possessions, notre trés cher Seigneur & cousin le Duc de Bretaigne (Bretagne) François second de ce nom & père de notre cousine nomma & présenta au Pape Innocent , Maître Guillaume Guegen Archidiacre & Chanoine de Nantes son prochain Conseiller & serviteur, & par le Chapitre de cette Eglise canoniquement élu en futur Pasteur & Evèque, & depuis la mort du Duc, son père consenti & approuvé, & était a nouveau (en tant que métier) nommé & présenté ; sur la provision duquel jasait que le Pape Innocent eut réécrit au Duc François II qu’il (ayant voulu que la nomination sortit effet) y en pourvoierait le Maître Gueguen de l’ Evèché de Nantes ; celui-ci néantmoins en pourvut Maître Robert d’Efpinay, & aprés son décès Maître Jehan d’Efpinay son frere Evèque de Mirepoix, lesquels notre cousine Anne de Bretagne disait avoir été & être tous les deux alors en partie contraire à elle (ennemis), & avoir par indus & sinistres moyens, & contre le vouloir & plaisir d’elle s’efforcé d’occuper & tenir l’ Evèché de Nantes, & et qu’elle tenait ces personnes pour suspects & non agréables ; requérant sur ce que en gardant les dits droits, libertez, indults & possessions, voulions tant faire & tenir main envers notre Saint Père le Pape, Saint Siége Apostolique, & tous autres, que les dits droits soient gardés & observés, & que la nomination faite par le Duc François II, & depuis par notre cousine Anne de Bretagne de la personne de Maître Gueguen, comme à eux feur & féable, sortisse son plain & entier effet, en approuvant & confirmant le saisissement fait par notre cousine du temporel de l’ Evèché, à la préservation de ses droits ; Nous firent ceci, en écrivons volontiers à notredit Saint Père & tiendrons la main à cette fin.
- La succession au trône est assurée dans la lignée descendant d'Anne de Bretagne, et de son mari Louis XII, c'est à dire dans la lignée des ducs, rois et princes de Bretagne. Si le couple royal a deux enfants, c'est le deuxième enfant, garçon ou fille, succèdera au trône de Bretagne.
S'il advient qu'Anne et Louis n'aient qu'un seul enfant mâle, celui-ci, en vertu des lois fondamentales du royaume, deviendra roi de France.
La clause reste valable, dans les mêmes termes, pour les générations suivantes. Si l'enfant mâle unique monté sur le trône de France comme ci-dessus indiqué, et qu'il ait deux enfants ou davantage, c'est le deuxième enfant de ce roi qui montera sur le trône breton. Et ainsi de suite.
- Les impôts, taxes, finances. Les impositions des fouages & autres subsides levés et collectés en Bretagne, les gens des Etats de Bretagne seront convoqués & appellés
en la forme accoutumée,
- Politique militaire. S’agissant des guerres que nous pourrions faire dans le futur hors du Pays de Bretagne, les Nobles de Bretagne ne seront sujets à nous servir hors du Pays de Bretagne, uniquement en cas d’extrême nécessité, ou qu’il y ait sur ceci le consentement de notre cousine & des états du Pays de Bretagne.
- Monnaies. Les monnaies d’or et d’argent continueront à être émises sous le nom le titre de Louis XII, et de la duchesse Anne de Bretagne ;
- La justice sera administrée dans les formes et selon les usages et coutumes de Bretagne ; les sujets de ce Pays ne seront jugés hors du Pays en première instance, ni autrement que de Barre en Barre, et en cas de ressort au Parlement de Bretagne et en déni de droit et dénégation de justice, en la manière accoutumée du temps des Ducs prédécesseurs de notre cousine Anne de Bretagne
Les matières de finances, de crimes, & de Bénéfices finissent au Parlement de Bretagne sans qu’il en soit fait ailleurs ressort, ainsi qu’il a toujours été accoutumé
Aucune exécution de mandements ni exploits (d’huissiers)en Bretagne.
BIBLIOGRAPHIE.
Mélennec Louis, articles publié par l’IDBE.
Dom Morice, tome III, Mémoires pour servir de Preuves à l’histoire ecclésiastique et civile de Bretagne (articles 815,816,817,818)
Traité Signé en Janvier 1498 (pâques 1499 aujourd’hui suite au changement du calendrier)
Publiée le 19 janvier 1499, vue et lue au Parlement de Bretagne par Guillaume GEDOUIN Procureur Général de Bretagne . (2éme Lettre-Traité, concernant les généralités) ; ( la première Lettre Traité publiée le 7 janvier 1499
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5/ Guerres, consentement du Duc et des états.
6/ Droits gardés, émission de la monnaie et Séparation des 2 couronnes.
Nantes ville principale du Pays de Bretagne.
13/ limite des frontières – si conflit, tribunal paritaire entre français et Bretons –
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Clause n°9, & que en tant que tout, que nuls Prévots, Capitaines ni autres gens n’aient Juridiction uniquement en les Chancellerie, Parlement, Sénéchaussée & autres ordinaires chacun en son regard comme ils avaient au temps & du vivant des Ducs de Bretagne
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Clause n°12 , & que en tant que tout, que aucunes exécutions de mandements ni autres exploits (d’huissiers) soient faits au Pays de Bretagne, il soit convenu & accordé que les deux prochains Juges Royaux & Duchaux dessus les lieux en aient la connaissance & comparaissent sur les lieux pour en décider & faire la fin, nous voulons, entendons, accordons et promettons de le faire ainsi en suivant ce qu’il en sera avisé & conclu par les gens des trois Etats dudit pays de Bretagne ; & cependant en sera fait ainsi qu’on a accoutumé d’ancienneté.
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Clause n°13, & que en tant que tout, que pour obéir aux questions & différents qui
peuvent advenir sur les marches & limites de France & de Bretaigne (Bretagne), il soit convenu & accordé que les deux prochains Juges Royaux & Duchaux dessus les lieux en aient la connaissance & comparaissent sur les lieux pour en décider et faire la fin ; nous voulons, entendons, accordons & promettons de le faire ainsi, en suivant ce qui en a été par ci-devant sur ce ordonné & qu’on a accoutumé d’ancienneté. Lesquelles choses ci-dessus dites nous avons ce jour accordées, voulues, consenties, promises & jurées, accordons, voulons, consentons, promettons & jurons par ces présentes signées de notre main, en foi & parole de Roi, tenir & accomplir sans venir au contraire. Si donnons en mandement à tous nos Officiers, Justiciers & sujets que les choses ci-dessus déclarées, ils accomplissent entièrement & de point en point selon leur forme & teneur, sans y mettre ni souffrir être mis aucun détour ou empèchement en quelque manière que ce soit ; car ainsi nous plait-il être fait. Et afin que ce soit chose ferme & stable pour toujours, nous avons fait mettre notre sceau à ces présentes, sauf en ce & autres choses notre droit & l’autrui en toutes.
Donné au château de Nantes au mois de Janvier l’an de grace 1498. & de notre règne le premier. Ainsi signé, Louis XII Par le Roi, Messeigneurs les Cardinaux de S.Pierre ad vincula, &d’Amboife, vous le Seigneur de Raveftain, le Prince d’Orange, le Marquis de Rothelin ; les Comtes de Rohan, de Guyfe, de Ligney, de Dunoys & de Rieux ; les Evèques d’Alby, de S. Brieuc, de Luçon, de Leon, de Cepte, de Cornouaille & de Bayeulx ; les Sires de Gyé & de Baudricourt Maréchaux de France, de Sens Chancelier de Bretaigne, de la Trimoille, de Chaumont, de Beaumont d’Avaugour & de Tournon ; les Abbez de Redon Vi-Chancelier de Bretaigne, & de Mouftier-Ramé ; Jacques de Beaune General des Finances en Languedoc, &c. comme à l’acte précedent. Ibidem.
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On conserve dans les Archives de St Brieuc une greffe en parchemin du contrat & traité fait alors pour la conservation des privilèges de la Province, à la fin de laquelle on lit ce qui suit :
L’original de la Lettre de charte écrite ci-dessus a été aujourd’hui à l’instance de Maître.Guillaume Gedouin Procureur Général de Bretagne, apparue & exhibée au Conseil du Roi & Duc en ce Pays & Duché de Bretagne, laquelle y a été vûe et lûe en Jugement, & aprés que les recorps & attestation du révérend Pere en Dieu Christophle Evèque de S.Brieuc, Messire René du Pont Archidiacre de Ploegastel, Maitre Rolland de Clisson Sénéchal de Treguier, Maitre Jehan du Bouyer Sénéchal de Cornouaille, Maitre Alain Berard Sénéchal de Lamballe, Maitre Pierre Breffel, Maitre Gilles Spadut, Maitre François de Guermeur, Maitre Charles de la Motte, & autres plusieurs témoins dignes de foi, furent informés des signés & scellés ci appossés, a été par les dits gens tenant le Conseil cette Lettre de Charte publiée & tenue pour publiée & commandé d’y obéir, & en donner copie & vidimus à tous ceux & chacune qui en voudront avoir sous le sceaux des Actes du Conseil, & ont déclarés autant de fois devoir être ajouté aux copies comme à la dite Lettre originale. Donné, fait & expedié au Conseil les causeries du Conseil siègeant le 19. jour du mois de Janvier l’an 1498. Collation est faite à l’original, Signé, Blanchard, & scellé d’un sceau de cire rouge.
PS : la partie en italique est un commentaire de Dom Morice.
EN D'AUTRES TERMES, non seulement le droit antérieur du Duché et ses coutumes constitutionnelles sont purement et simplement confirmées, mais encore, ce traité va beaucoup plus loin :
- Le roi s'interdit de contester ce qui faisait contentieux sous le règne de Louis XI. Celui-ci, comme on l'a vu, avait essayé
- Tout ce que Charles VIII a fait depuis sa prise de pouvoir en 1491 est annulé.
- Le roi se porte garant des clauses ci-dessus.
Le roi de France reconnaît -quoique les termes ne soient pas utilisés explictement, car la terminologie dutemps n'est pas … - que la Bretagne est un pays totalement distinct de la France, et qu'il est entièrement souverain, c'est à dire indépendant.
Tout ce que Charles VIII a fait pour annihiler l'indépendance du pays est purement et simplement annulé. Le Duché va continuer à vivre non seulement comme sous ses Ducs, mieux :
C'est là qu'on voit le résultat phénoménal du travail effectué par Anne de Bretagne. Mariée malgré elle à 14 ans à un roi étranger, la Bretagne devenue serve sous ce roi, Anne réalise ce tour de force quasi-inimaginable : devenue veuve le 7 avril 1498, elle a rétabli le Duché de Bretagne dans tous ses droits et prérogatives nationaux et internationaux, elle a libéré son pays du pays étranger, ceci en moins de neuf mois, et sans qu'une goutte de sang soit versée.
On voit à quel point sont stupides les « hystoryens » qui prétendent qu'Anne a réuni la Bretagne à la France, alors qu'elle l'a libéré.