0 - 2 Préambule - II / VIIème siècle : Judicaël, Dagobert, Pépin de Herstal -

27/09/2019 12:41

II /  VIIème siècle : Judicaël, Dagobert, Pépin de Herstal.

 

Des relations britto-franques durant le septième siècle, on ne sait presque rien. Les sources – même du côté franc – sont d'une extrême minceur. Dès le début du septième siècle, les textes hagiographiques s'arrêtent.

Le territoire peuplé par les Bretons, grosso modo, est le même que celui occupé le siècle précédent : le nord et l'est de la péninsule. Sans doute s'est-il un peu étendu vers l'est aux dépens de la zone franque, sous l'effet de l'accroissement naturel de la population, et de l'augmentation de l'immigration bretonne. Il est probable que la partie sud est de la péninsule (qui correspond aux régions de Rennes et de Vannes) n'est pas encore organisée en une "marche" xii c'est à dire en une zone tampon défensive destinée à contenir l'avancée des Bretons xiii.

Au plan politique, les Bretons sont restés pendant longtemps divisés en de multiples petites principautés territoriales. Certains de leurs chefs sont cités par les hagiographes. Ils sont indifféremment nommés "Rex", ou "Comes" xiv. Ils se regroupent ensuite en entités plus vastes, dans des conditions et des circonstances dont on n'a conservé aucune trace écrite. Au début du septième siècle, on distingue assez nettement trois entités géographiques et politiques soumises à un même chef : la Domnonée, qui occupe la moitié nord de la péninsule ; la Cornouaille, qui correspond à la partie sud de l'actuel département du Finistère ; le Vannetais, dont les limites sont mal connues. La Domnonée est à l'époque un royaume puissant qui s'étend en partie de l'autre côté de la Manche, dans l'actuel Devon britannique xv.

Le successeur de Grégoire de Tours, Frédégaire, rapporte un épisode intéressant de cette époque: la visite à Clichy, en 636-637 de Judicaël , Roi de la Domnonée, à Dagobert. Cette version fait apparaître Judicaël comme un vassal du roi franc : " Dagobert, résidant à Clichy, envoya des députés en

Bretagne pour que les Bretons réparassent promptement le mal qu'ils avaient commis et se soumissent à sa domination, disant qu'autrement l'armée burgonde qui avait été en Vasconie allait se jeter sur la Bretagne. A cette nouvelle, Judicaël, roi de Bretons (Rex Britannorum), se rendit promptement à Clichy, avec beaucoup de présents, auprès du roi Dagobert à qui il demanda grâce, et promit de restituer tout ce que ses sujets avaient injustement enlevé aux Leudes francs, assurant que lui et son royaume de Bretagne serait toujours soumis à la domination de Dagobert, car il était religieux et rempli de la crainte de Dieu. Lorsque Dagobert se fut mis à table, Judicaël, sortant du palais, alla dîner chez le référendaire Dadon, qu'il savait attaché à la sainte religion : le lendemain, ayant pris congé de Dagobert, Judicaël s'en retourna en Bretagne, chargé des présents de Dagobert". (Pseudo-Frédégaire, Chronique IV, 78, Londres, 1960, 65) xvi .

La deuxième version, écrite par Saint Ouen, ami personnel de Saint Eloi, probable témoin oculaire de la scène, est d'une toute autre tonalité. Elle présente Judicaël, non comme un vassal  du roi franc, mais comme un allié. Elle doit être citée dans son intégralité : " Eligius (Saint Eloi) prié par le Roi Dagobert d'aller en ambassade en Bretagne, partit aussitôt, avec d'autant plus de hâte qu'il avait pour le soutenir un motif de charité. Arrivé en ce pays, il se rendit auprès du prince des Bretons (Britannorum principem), arrêta les bases d'un arrangement et reçut des otages pour la paix. De cette manière, au lieu des querelles et des guerres que beaucoup de gens s'attendaient à voir éclater entre le roi franc et le prince breton, Eligius su manier celui-ci avec tant de douceur et de bienveillants aménagements, qu'il lui persuada sans peine de l'accompagner à la cour de Dagobert. Après avoir passé quelque temps en Bretagne, Eligius s'en retourna, emmenant avec lui le roi des Bretons, suivi d'un nombreux cortège de sa nation, le présenta au roi des Francs en sa villa de Creil, et fit conclure entre les deux princes un traité de paix et d'alliance. Le Breton offrit de grands présents à Dagobert ; mais il en reçu de plus grands encore, quand il s'en retourna dans son pays". (D.Bouquet, Recueil des historiens de France, III. 554 ; cité par La Borderie Tome I, 478).

Il est clair, d'après ce texte, que Judicaël est un prince important : c'est Eloi lui-même qui est envoyé en ambassade ; il se déplace à la cour du roi franc pour se rendre en Bretagne, non pour y donner des ordres, mais pour discuter, en diplomate, des termes d'un accord ; un traité est signé ; Judicaël se rend à la cour de Dagobert en ami et en allié, et y reçoit un accueil digne de sa qualité de Roi.

Cette relation est exemplaire : elle invite à n'accorder foi aux annales franques, sur certains points, qu'avec circonspection. Les Bretons y étant presque toujours traités d'une manière péjorative – ce qui est normal de la part de leurs ennemis – , il est nécessaire d'opérer une correction mentale du texte, et de procéder à des recoupements avec d'autres relations.

Pendant plus de cinquante ans, c'est à nouveau la nuit. En 691, un passage des annales de Metz laisse entendre que les Bretons, par l'inertie et l'incapacité des rois mérovingiens, se sont soustraient à leur domination : " Pépin [de Herstal, premier de la lignée des maires du palais], s'étant rendu seul maître du gouvernement des francs ... fit fleurir dans le royaume la paix et la religion. Ce fut pour réduire diverses nations (diversarum gentium) savoir les Saxons, les Frisons, les Allemans, les Bajuvars, les Aquitains, les Vascons et les Bretons (Brittones) qui avaient autrefois été sujets (subjectae) aux Francs et dont, par suite de l'inertie des derniers rois, les chefs (duces) s'étaient injustement, arrogamment rebellés et soustraits à leur domination (dominio). Parmi ces chefs, le très excellent prince Pépin en avait déjà soumis quelques-uns, mais les autres persistaient dans leur rébellion xvii.

 

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