Dès 1789, la France s'emploie à détruire la Bretagne, de toutes les manières possibles.
LA BRETAGNE EST DÉTRUITE EN TANT QU'ENTITÉ POLITIQUE.
Civilisation antique, pourvue d'une culture spécifique, avec un sentiment d'appartenance très fort, bien qu'annexée par le royaume de France depuis 1491, bien qu'ayant souffert des rois français, la Bretagne avait réussi, après le règne sanglant de Louis XIV, mort en 1715, à retrou- ver le droit de s'administrer elle-même, cela jusqu'à 1789 inclusivement. Elle gérait ses finances avec économie ; son opposition acharnée à l'oppression de la Cour de France lui avait permis de maintenir un niveau d'imposi- tion de moitié inférieur à celui appliqué dans le royaume des Français.
En 1789, divisée en départements, la Bretagne disparaît de la carte politique. Son antique parlement - les « États de Bretagne » - est supprimé. Elle perd tout droit de regard sur la législation appliquée sur son territoire, le droit de voter ses impôts, de gérer ses recettes fiscales et son économie, ainsi que de s'administrer elle-même. Dirigée par les fonc- tionnaires français chroniquement incompétents, nommés par les ministères centraux, tous les postes importants sont attribués à des Français. Privée de toute initiative, de rien décider par elle-même, elle s'étiole et s'enlise. Elle avait commencé à dépérir à partir du moment ou les bu- reaux de Colbert et de Louis XIV s'étaient emparés de son économie, l'avait pressurée d'impôts illégaux, avaient
saboté son économie en l'empêchant de commercer libre- ment avec ses alliés commerciaux traditionnels, en parti- culier l'Angleterre. Les gouvernements français du XXème siècle la transforment, par leur incompétence, en Ploukistan occidental de l'Europe. Les préfets jouent à la fois le rôle de courroies de transmission - toutes les décisions sont prises à Paris -, d'espions qui surveillent et dénoncent, et de pères fouettards. Les écoles et le clergé font l'objet d'une surveillance attentive. (Rien n'a changé : aujourd'hui, toutes les fonctions électives (celles de députés et des sénateurs, en particulier), sont « pré-sélectionnées » par les états-majors parisiens, les postes sont distribués par les clans politiques qui se partagent le pouvoir à Paris ; ce système suscite la risée : cette pré-sélection, qui ne tient aucun compte des compétences, est empoisonnée par la soumission quasi-aveugle de tous ceux qui veulent accéder à une fonction politique).
LA BRETAGNE EST DETRUITE EN TANT QUE NATION.
Les « révolutionnaires » de Paris ont décrété qu'il n'y a, dans le territoire qu'on va dénommer « l'hexagone », qu'une nation : cette nation est unique, exemplaire, elle doit de- venir le moule unique et universel, et servir d'exemple au monde entier. C'est une création idéologique, entièrement artificielle. Les nations périphériques, plus anciennes que la nation française pour plusieurs d'entre elles, sont niées, néantisées, interdites d'exister : les Basques, les Flamands, les Béarnais, les Corses, les Savoyards. Les Français, par l'effet d'une bouffissure qui se développe à la faveur de l'enseignement du complexe de supériorité qu'on leur inculque dans les écoles, se transforment en nationalistes furieux, imbus d'un sentiment de mépris qui, aujourd'hui, juste retour des choses, fait rire à leurs dépens.
La Nation bretonne, la plus antique avec celle des Basques, parce qu'elle est la plus puissante de ces nations périphériques qui jouxtent la France, parce qu'elle a été en guerre contre ce pays étranger qu'est le royaume de France pendant plusieurs siècles, parce qu'elle a résisté de toutes ses forces depuis son annexion en 1532 jusqu'à la prétendue révolution de 1789, parce que sa culture la distingue d'une manière irréductible d'avec celle de la France, est particulièrement persécutée, stigmatisée : pour assimiler ce vieux pays, il n'existe qu'un moyen : en détruire toutes les composantes.
Le pays autoproclamé des droits de l'homme se livre donc sur cette nation, à des actes qui dépassent l'abomination.
Là où le nationalisme français est une éminente vertu, le na- tionalisme breton devient un crime, ce mot étant utilisé
ici sans exagération. Au nom du nationalisme français, la France s'autorise à conquérir de très vastes territoires, souvent à dépouiller les indigènes de leurs terres, ou à les acheter, sous contrainte, pour des prix absurdement faibles (en Algérie, 300 000 hectares changent de mains sous l'effet de cette politique). Même si l'œuvre coloniale comporte des éléments positifs par ailleurs - ce qui est indéniable -, elle est à base de sentiment de supériorité du colonisateur, et de mépris des indigènes. Le culte du nationalisme français a été enseigné officiellement dans les écoles françaises, jusqu'à une période très récente, ce que les signataires du présent mémoire ont du supporter, enmême temps que la honte d'eux-mêmes.
L'un des auteurs du présent rapport, avait, dans sa jeu- nesse, été endoctriné avec tant de répulsion et de dégoût contre ceux qu'on nommait les « nationalistes bretons », qu'il disait : « Qu'on m'en montre seulement un : je le fusillerai ». Il est aujourd'hui mieux que Furet, mieux qu' Ozouf, et bien d'autres, qui ont fait leur mea culpa. Sur sa carte de visite, il a écrit « M. L., nationaliste breton ». Aujourd'hui encore, taxer les Bretons de nationalistes est une injure : telle est la situation que la France a créée.