Ce qui se produit ici est insupportable. Les pires adjectifs, les pires formules sont utilisés pour décrire l'homme breton, y compris par ceux que l'on dénomme aujourd'hui
les « grands écrivains » : Victor Hugo ; Honoré de Balzac, Gustave Flaubert, Posper Mérimée, Émile Zola et d'autres, traînent ce peuple de ploucs et de bouseux dans la boue.
Les Bretons sont une race inférieure. Ils sont, par nature, pa- resseux, sales et puants ; dans les villages, les enfants jouent dans la fange avec les cochons ; une mère n'y reconnaît pas ses petits : il n'y a pas de différence entre eux ; cer- tains Français se demandent s'ils sont des êtres humains ; d'autres consentent à les situer quelque part entre les ani- maux et les hommes ; le paysan breton, dit Hugo, « vénère d'abord sa charrue, sa grand-mère ensuite ; il aime ses poux » (citation littérale).
L'intellect du Breton celui des animaux ; il devient le pro- totype de l'arriéré mental, de l'idiot congénital. Il a un âge mental infantile, cela est dû à la dégénérescence de cette race. « On se demande, précise encore Hugo, si cet aveugle peut accepter la clarté ».
Les hommes qui profèrent ces horreurs - inscrites d'une manière indélébile dans la conscience des Bretons -, in- cultes, ignorent que ce pays, qui a ensemencé toute l'Eu- rope au moyen âge par sa mythologie et sa spiritualité, tant religieuse que profane a toujours produit des hommes de lettres, des poètes, des juristes, de grands écrivains. Parmi ceux que la France s'est appropriée, comme fai- sant parti de leurs écrivains, alors qu'ils ne sont pas Français, qui ont conquis une audience internationale : le théologien Abélard, l'un des plus grands de son temps ; Chateaubriand, Victor Hugo (breton par sa mère), Renan, Lamennais, et tant d'autres.
Les animaux n'ont pas d'histoire, les sauvages non plus. Selon les criminels de Paris - et les programmes scolaires qu'ils imposent -, la Bretagne n'a jamais existé, elle
n'a jamais eu de souverains indépendants. De tout temps, elle fut, dit-on, une « région » française, mais rebelle.
Les jeunes Bretons sont tenus strictement à l'abri de savoir ou d'imaginer que le peuple auquel ils appartiennent a eu son histoire nationale. La seule chose qui filtre dans l'enseignement des lycées et collèges - il est difficile de croire ce que nous écrivons ici - tient en quelques phrases : « les Bretons eurent autrefois une Duchesse, dénommée Anne de Bretagne ; elle portait des sabots de bois (d'où la célèbre chanson, un "tube" en France : Anne, Duchesse en sabots) ; elle épousa le roi de France, dont elle tomba amoureuse (!), Charles VIII ; en conséquence, elle apporta en dot la Bretagne à la France ».
Aucun autre élément n'est fourni, pendant toutes leurs études, aux élèves des lycées et collèges. Les Bretons ignorent donc, par la volonté délibérée de l'État colonisateur, qui ils sont, qui furent leurs ancêtres, ce que sont leurs racines, encore moins qu'ils eurent un passé national prestigieux, sûrement pas que la Bretagne est de- venue française par invasion, par violation du droit, et par destruction. Les signataires du présent rapport sont tous dans cette situation. Ils n'ont appris leur passé qu'une fois sortis de l'école, parce qu'un jour, le hasard a mis entre leurs mains l'une des rares histoires publiées sur la Bretagne, diffusée d'une manière confidentielle dans de rares librairies. Les grands héros de l'histoire bretonne sont « gommés », rayés des cadres ; Nominoé, le roi Salomon, Anne de Bretagne ? Pierre Landais, le Richelieu breton ? Comment les Bretons connaîtraient-ils ces personnages auxquels le pays occupant ne reconnait aucune existence ? La Bretagne était française de tous temps ; province crottée, elle a été élevée à la civilisation parce que la France a daigné la ramasser dans le ruisseau : c'est à peu près tout ce que les Bretons savent de leur passé lorsqu'ils sortent du lycée.