09/07/2025 22:27
ROPARTZ HEMON (Extraits d’un article de Louis Mélennec).
L’élaboration d’une langue nouvelle.
La création de la langue unifiée. Et la libération de la Bretagne. Pour Hémon et son équipe, l’entreprise passe par la renaissance de l’identité nationale. Il lie cette renaissance à la re-création de la langue, qu’il faut rénover, enrichir, moderniser, de manière à la rendre concurrentielle par rapport aux autres langues. C’est une erreur de stratégie, mais quasi-inéluctable à cette époque. Hémon n’a pas compris que la renaissance de l’identité bretonne passe par l’enseignement de l’histoire, et les horreurs qui ont été commises en Bretagne depuis la prétendue réunion à la France, en 1532. Les intentions de Hémon sont très clairement exprimées dans ses écrits. La France a tout fait pour assassiner la langue bretonne : on va la combattre avec les mêmes armes : En 1927, bien avant l’arrivée des Allemands, il expose très complètement son programme :
« - La Bretagne sera sauvée le jour où nous aurons créé, malgré tous et contre tous une vie nationale en Bretagne. »
« La Bretagne sera sauvée le jour où nous aurons appris à nos compatriotes à lire et à écrire notre langue, le jour où nous aurons expliqué notre histoire, le jour où nous aurons amélioré notre langue, composé notre littérature, créé nos écoles avec nos maîtres, et payé nos livres avec notre argent, le jour où nous aurons élevé suffisamment l’esprit de nos compatriotes, pour en faire un peuple libre, dans tous les domaines de leur vie du corps et de l’âme. Et dire tout cela ne sera pas sans liberté politique » Le discours est pertinent, mais, centré sur la langue et la littérature, il est voué à l’échec.
« Entre le breton et le français, il faut choisir. Nous choisissons le breton… Nous sommes esclaves du français tant que nous sommes réduits, pour apprendre, pour exprimer quoi que ce soit, à utiliser des livres français, à parler, à écrire en français. Abattons les murs de notre prison. Apprenons d’autres langues… […] En ce qui nous concerne, puisse cette vérité être enfoncée dans notre tête : tuons le français ou le français nous tuera…. »
L’entreprise de Hémon est tout à fait louable, mais inexacte sur un point important. Elle donne la priorité à la langue et à la littérature, alors que la renaissance de l’identité des Bretons doit nécessairement donner la priorité à l’histoire nationale. En 1936, se tient à Lorient une réunion qui a pour but de fonder une langue unifiée, synthétisant ensemble les dialectes bretons, y compris le dialecte vannetais, qui occupe une place originale dans le patrimoine linguistique breton.
La démarche paraît originale. Elle ne l’est pas. De nombreux pays, menacés par des Etats centraux tentaculaires, ont effectué la même, pour sauver leur patrimoine linguistique et littéraire. Les écrivains les plus importants sont présents. Parmi eux : les Vannetais Xavier de Langlais, peintre et écrivain, Loeiz Herrieu, dirigeant de la revue Dihunamb (Réveillons nous !), créée en 1905. Cette tentative échoue en raison de l'opposition forte des "trois sages", opposition relayée (mollement) par Roparz Hémon, et surtout de l’absolue ignorance de la population bretonne de son histoire, interdite d’enseignement, et remplacée par l’histoire du pays colonial. A cette époque, la quasi totalité de cette population a honte d’elle-même : elle souffre d’une pathologie aujourd’hui parfaitement décrite – pas seulement par mes travaux -, l’acculturation, ou lavage des cerveaux par le colonisateur. La réforme de 1936 n’ayant pu se faire, il reste à à reprendre le travail. En 1941 et en 1942, les linguistes et les écrivains aboutissent à un accord. Une nouvelle étape est franchie : le 8 juillet 1941, on adopte une nouvelle synthèse, appelée langue KLTG, qui inclut le dialecte vannetais (Gwenedeg) qui se substitue à celle du KLT (voir Orthographe du breton). Cette langue est appelée le peurunvan, c’est à dire « totalement unifiée ». De cette création historique, Hémon écrit : « Le plus grand jour de l’histoire de la langue bretonne fut celui du 8 juillet 1941. Pour la première fois depuis la venue de nos ancêtres de Grande Bretagne, ils étaient arrivés avec leurs dialectes ; la forme écrite de notre idiome fut totalement unifiée. L’accord du 8 juillet fut un accord d’une importance nationale : l’ablation radicale de l’abcès dans le ventre de notre langue. Ce devrait être un devoir pour les Bretons de fêter tous les ans le 8 Juillet comme l’une de leurs fêtes nationales ». (Cité par Ronan Calvez, dans son article sur Roparz Hémon).
LOUIS MELENNEC