LES MONNAIES BRETONNES : UN ATTRIBUT PUISSANT DE LA SOUVERAINETE DES DUCS DE BRETAGNE

27/12/2016 23:11

COURS ELEMENTAIRE SUR LES MONNAIES ET LES ECHANGES MONETAIRES, pour comprendre le monnayage en Bretagne, par Louis Mélennec. 

 

 

I – INTRODUCTION

 

Des inexactitudes majeures traînant encore dans certains livres d'histoire de la Bretagne, sur la souveraineté des Ducs et leur totale indépendance à l'égard de la France, niée par certains auteurs (Kerhervé, Minois, Croix, Morvan), quoique ce problème ait été définitivement élucidé, entre autres, par l'éminent juriste et historien Marcel Planiol (tome 3, pages 55 à 105), il est nécessaire de rappeler à quels principes élémentaires obéit l'émission des monnaies, laquelle relève des pouvoirs de ceux qui les émettent, pouvoirs souverains en ce qui concerne les rois, puis les ducs de Bretagne du moyen-âge.

Selon les auteurs qualifiés de « négationnistes », les princes bretons ne sont qu'un avatar des monarchies franques et françaises : ils sont des vassaux indociles, refusant de reconnaître qu'ils ne sont que des « sujets » des rois de France, et ne se développent qu'aux dépens de ceux-ci, en empiétant sur leurs prérogatives régaliennes, et en se les appropriant, comme on suce le sang d'une bête. Ainsi, bien sûr, ne fabriquent-ils des monnaies qu'en s'appropriant les droits régaliens de leurs voisins français (!)

 

 

Une sévère mise au point est nécessaire.

Les hommes, avant l'invention des techniques complexes dont la maîtrise est nécessaire pour fabriquer des monnaies métalliques, ayant à acquérir une denrée, un objet, un animal .. ou un être humain, procèdent par des échanges : un esclave contre un mouton, un vêtement contre un animal domestique, etc... C'est le troc

 

Puis vient l'invention de moyens d'échange plus commodes, moins lourds, plus petits, ayant une valeur plus ou moins reconnue, fixée par l'usage, par ceux qui contrôlent les échanges (commerçants, trafiquants ..), ou par les princes. 

Les pièces de métal telles que nous les connaissons ne sont utilisées qu'au premier millénaire avant le Christ. On admet qu'elles apparaissent en Chine, ou peut-être en Grèce, sans aucune certitude à cet égard. L'une des premières pièces métalliques retrouvées a été coulée - croit-on -, sous le roi Crésus, en Lydie (Grèce), au 7ème siècle avant Jésus-christ. C'est un alliage d'or et d'argent, dénommé « électrum ». Le monnayage métallique se répand rapidement grâce aux cités grecques, sur tout le pourtour méditerranéen, et de là s'étend à de très nombreux pays. Mais pendant longtemps, on se servira, un peu partout dans le monde, d'objets divers et de matériaux divers pour les échanges : pierres polies ou taillées, coquillages, dents d'animaux, denrées diverses ou produits comestibles (sel, thé, riz ...), lingots de métaux divers, billes de verre ... Il existe des « monnaies », singulières, tout à fait atypiques pour nos esprits modernes, par exemple des crânes humains, des plumes, etc. Dans l'île de Yap, en micronésie, des pierres sont utilisées, les plus grosses atteignant … plusieurs tonnes !

 

La fabrication des pièces de monnaies en métal suppose la maîtrise de techniques complexes : extraction des métaux du sol, traitement des minerais, mélange de ces métaux en proportions variables, fonte de ces métaux ou de ces mélanges dans des moules, gravure ou impression des figures de l'avers et du revers. Les pièces telles que nous les connaissons sont circulaires ou ovalaires, rarement carrées, épaisses de un à 3 mm, parfois percées au centre d'un orifice. Elles ne pèsent guère lorsqu'elles sont en or, métal précieux, que quelques grammes. Sur l'une des faces, dite "l'avers », des images diverses : animal, plante, visage humain, effigie d'un prince ... Sur l'autre face, dite le revers, souvent un symbole : une croix, un croissant, un animal (aigle, lion, taureau, chouette ..). Deux légendes, l'une à l'avers, l'autre au revers, fournissent des indications précieuses.

La fixation spontanée (par les échanges qui s'opèrent sur le marché), ou arbitraire (par l'intervention des commerçants, des trafiquants qui manipulent les échanges commerciaux, les princes, souvent grands manipulateurs des monnaies) de la valeur des différents biens qui se vendent et s'achètent, rend les transactions beaucoup plus commodes, plus nombreuses, en même temps qu'elles permettent à l'économie de se développer, ce qui explique les progrès fulgurants des monnaies métalliques.

 

Ces "monnaies" ne sont pas d'emblée celles que nous connaissons. Les dessins et les inscriptions figurant sur les deux faces de la pièce, et sur sa tranche, répondent à une symbolique complexe, qui s'affine avec le temps. Ce qui apparait très clairement sur les monnaies bretonnes - comme sur les autres. Ce qui, on va le voir, confirme ce que nous avons écrit ailleurs sur la souveraineté des ducs de Bretagne, et leur totale indépendance à l'égard de la France.

 

CONDITIONS POUR L'EMISSION D'UNE MONNAIE STABLE ET EFFICACE.

 

Plusieurs conditions sont nécessaires :

 

- Un pouvoir politique fort (un prince, un roi, un duc, un comte ...), une communauté humaine (une cité prospère, une république ..) ayant suffisamment de puissance et de surface économique pour disposer de la matière première (or, bronze, cuivre …), pour ordonner qu'on fabrique les pièces, pour faire fonctionner les ateliers des monnaies, pour définir et garantir leur valeur, pour les imposer dans le territoire sur ce pouvoir politique exerce son autorité ... 

- La maîtrise des moyens techniques, presque toujours complexes, pour les fabriquer.

- La puissance suffisante pour en fixer le cours (et ses variations éventuelles !), ... et pour punir les faux monnayeurs éventuels. Le faux monnayage est partout une atteinte grave à la puissance du souverain et, pendant longtemps, est puni des pires supplices, la mort n'étant pas le plus cruel.

 

Les émissions de monnaie se font, à l'origine, sur des territoires peu étendus : les cités-Etats de Grèce, les cités-Etats de Mésopotamie sont les plus connues. A l'attention de nos « sçavants hystoryens » bretons, dont certains enseignent dans nos facultés que la nation bretonne, création d'illuminés folkloristes du 19ème siècle n'existe pas, que le patriotisme breton n'existe pas, que les nations sont, tout au plus, une création du 18ème siècle, et autres fadaises, que le sentiment national breton est une invention de l'entourage des Ducs pour mieux exploiter les « classes laborieuses du temps » (voir : Georges Minois, dans Duguesclin : impardonnable), nous aimons rappeler que ces cités-Etats sont d'authentiques nations, ce que personne ne conteste plus. Ces petites cités Etats, à l'origine peu étendues (quelques dizaines ou quelques centaines de klm carrés, cent fois moins qu'un département français actuel), peu peuplées (de quelques milliers à quelques dizaines de milliers d'habitants) sont d'authentiques nations indépendantes, même si elles appartiennent à la même civilisation grecque. Elles ont leurs frontières, leurs institutions politiques, leur législation, leur constitution, et, bien sûr, leurs monnaies particulières. Aristote dénombre, dans son ouvrage célèbre, Le Politique … plus de 100 constitutions dans la Grèce antique ! Urgent, donc de recycler nos brillants universitaires, qui apprendront que les nations ont une origine fort lointaine, et qu'elles ne sont pas ce qu'ils croient, et qu'elles n'ont eu nul besoin de « folkloristes » excités au 19ème siècle pour apparaître dans le concert humain ! Pour les monnaies grecques de ces petites nations : des dizaines de sites sur la toile vont – enfin – les informer !

(Sur l'origine des Nations : Mélennec, théorie des nations, par Google).

Ces petites patries se réunissant tôt ou tard pour des raisons diverses (fédérations créées pour se défendre des ennemis communs, annexions militaires et conquêtes, mariages entre familles princières, nécessité spontanée de se rapprocher, d'échanger, de calmer les antagonismes et de vivre ensemble, etc...). Les princes régnants étendent peu à peu leur puissance et leurs territoires, et, dès lors, l'usage des monnaies en vigueur. Toutes ces monnaies n'étant pas indispensables, un grand nombre sont supprimées, les ateliers locaux sont souvent fermés, en tous cas placés sous la dépendance étroite du prince qui s'en est emparé, et qui gouverne désormais, remplaçant les anciens seigneurs ou souverains. Ainsi voit-on le Duc de Bretagne, à partir du 13ème siècle, par l'accroissement progressif de sa puissance, enlever à ses vassaux le droit de battre des monnaies, comme d'élever des fortifications sans son autorisation, ou de se faire la guerre entre eux. Peu à peu, Il devient seul souverain de la Bretagne, et, dès lors, seul maître du monnayage breton. Comme ses voisins les rois de France et d'Angleterre, il construit peu à peu son Etat centralisé.

 

LES BRETONS ET LEURS MONNAIES.

 

Les principautés de l'Armorique antique (la Bretagne actuelle), celtes mais non encore bretonnes, sont au nombre de cinq : les Redones (Rennes), les Osismes (Léon et Cornouaille), les Vénètes (Vannes), les Namnètes (Nantes). Ces principautés ont frappé des monnaies d'or.

 

https://www.google.fr/search?q=Monnaies+des+vénètes+images&safe=off&biw=1262&bih=602&tbm=isch&tbo=u&source=univ&sa=X&ved=0ahUKEw

 


Les Bretons du sud de l'Angleterre, avant leur émigration en Armorique, utilisent pour leurs échanges commerciaux, d'après Jules César, des lingots de fer, au premier siècle avant Jésus-Christ. Les pièces apparaissent, chez les Bretons d'Outre-Manche à peu près à cette époque. Elles sont maintenant connues.

 

 

Les rois et princes de Bretagne immigrés en Armorique à partir du 3ème siècle (roitelets, comtes, princes ...) usent sûrement de monnaies. Dans l'état actuel de nos recherches, on ne connaît rien de leur activité monétaire, ni de leurs ateliers – s'ils en ont. Leurs principautés sont étroites, il ne sont peut-être pas encore suffisamment puissants pour fabriquer et imposer leurs propres monnaies.

 

A partir du roi Salomon de Bretagne, les rois et princes bretons frappent leurs propres monnaies ( Mélennec, Le roi Salomon de Bretagne). Celui-ci, en effet, même si les princes bretons locaux, ses vassaux du temps, conservent une très large autonomie, règne sur toute la Bretagne, et porte officiellement le titre de roi. C'est sous son règne que la Bretagne connait sa plus grande extension territoriale, puisqu'elle inclut le Cotentin et l'Avranchin, et une bande de territoire jusqu'à Angers.

 

 

 

 

II - LES PIECES D'OR DES DUCS ET PRINCES DE BRETAGNE.

 

 

La Bretagne n'a jamais, à aucun moment de son histoire, fait partie ni des royaumes francs, ni du royaume de France. Les relations des deux pays sont marquées par des conflits et des contentieux incessants. La France, ce voisin belliqueux est celui qui a accompli le plus de dégâts en Bretagne, de loin. Comme tous les souverains du monde, tels que définis ci-dessus, les ducs de Bretagne battent monnaie. Ils n'ont d'autorisation à demander à personne pour cela, surtout pas à leurs ennemis français ou anglais. 

 

Attribut de souveraineté, le monnayage des Ducs de Bretagne est un symbole fort, par lequel ceux-ci affirment leur puissance, avec la hauteur qui les caractérise, et leur refus ABSOLU de se soumettre aux empiètements de leurs voisins les rois de France. Ceux-ci sont renvoyés dans "leurs cordes" chaque fois qu'ils émettent des prétentions sur la Bretagne.

 

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