24/03/2025 22:53
ROPARTZ HEMON
La vérité sur l’affaire HEMON :
- Le but de Hémon : rajeunir et réformer la
langue bretonne.
- L’absence de colllaboration avec les Nazis.
- L’ » épuration « de 1945 : un instrument à tuer
le mouvement breton, et à accuser toute la
Bretagne : une ignominie française.
- La haine de Vichy et de Pétain à l’encontre des
Allemands.
(Extraits d’un article de Louis Mélennec).
Pour Hémon et son équipe, l’entreprise passe par la renaissance de l’identité
nationale. Il lie cette renaissance à la re-création de la langue, qu’il faut rénover,
enrichir, moderniser, de manière à la rendre concurrentielle par rapport aux autres
langues. C’est une erreur de stratégie, mais quasi-inéluctable à cette époque.
Hémon n’a pas compris que la renaissance de l’identité bretonne passe par
l’enseignement de l’histoire, et les horreurs qui ont été commises en Bretagne
depuis la prétendue réunion à la France, en 1532.
Les intentions de Hémon sont très clairement exprimées dans ses écrits. La
France a tout fait pour assassiner la langue bretonne : on va la combattre avec les
mêmes armes :
En 1927, bien avant l’arrivée des Allemands, il expose très complètement son
programme :
« La Bretagne sera sauvée le jour où nous aurons créé, malgré tous et contre tous
une vie nationale en Bretagne. »
« La Bretagne sera sauvée le jour où nous aurons appris à nos compatriotes à
lire et à écrire notre langue, le jour où nous aurons expliqué notre histoire, le jour
où nous aurons amélioré notre langue, composé notre littérature, créé nos écoles
avec nos maîtres, et payé nos livres avec notre argent, le jour où nous aurons
élevé suffisamment l’esprit de nos compatriotes, pour en faire un peuple libre,
dans tous les domaines de leur vie du corps et de l’âme. Et dire tout cela ne sera
pas sans liberté politique »
Le discours est pertinent, mais, centré sur la langue et la littérature, il
est voué à l’échec.
« Entre le breton et le français, il faut choisir. Nous choisissons le breton... Nous
sommes esclaves du français tant que nous sommes réduits, pour apprendre, pour
exprimer quoi que ce soit, à utiliser des livres français, à parler, à écrire en français.
Abattons les murs de notre prison. Apprenons d’autres langues... [...] En ce qui nous
concerne, puisse cette vérité être enfoncée dans notre tête : tuons le français ou le
français nous tuera.... »
L’entreprise de Hémon est tout à fait louable, mais inexacte sur un point
important. Elle donne la priorité à la langue et à la littérature, alors que
la renaissance de l’identité des Bretons doit nécessairement donner la
priorité à l’histoire nationale.
En 1936, se tient à Lorient une réunion qui a pour but de fonder une
langue unifiée, synthétisant ensemble les dialectes bretons, y compris
le dialecte vannetais, qui occupe une place originale dans le patrimoine
linguistique breton. La démarche paraît originale. Elle ne l’est pas. De
nombreux pays, menacés par des Etats centraux tentaculaires, ont
effectué la même, pour sauver leur patrimoine linguistique et littéraire.
Les écrivains les plus importants sont présents. Parmi eux : les
Vannetais Xavier de Langlais, peintre et écrivain, Loeiz Herrieu,
dirigeant de la revue Dihunamb (Réveillons nous !), créée en 1905.
Cette tentative échoue en raison de l'opposition forte des "trois sages",
opposition relayée (mollement) par Roparz Hémon, et surtout de
l’absolue ignorance de la population bretonne de son histoire, interdite
d’enseignement, et remplacée par l’histoire du pays colonial. A cette
époque, la quasi totalité de cette population a honte d’elle-même : elle
souffre d’une pathologie aujourd’hui parfaitement décrite – pas
seulement par mes travaux -, l’acculturation, ou lavage des cerveaux
par le colonisateur.
La réforme de 1936 n’ayant pu se faire, il reste à à reprendre le travail.
En 1941 et en 1942, les linguistes et les écrivains aboutissent à un
accord. Une nouvelle étape est franchie : le 8 juillet 1941, on adopte
une nouvelle synthèse, appelée langue KLTG, qui inclut le
dialecte vannetais (Gwenedeg) qui se substitue à celle du KLT
(voir Orthographe du breton). Cette langue est appelée le peurunvan,
c’est à dire « totalement unifiée ».
De cette création historique, Hémon écrit :
« Le plus grand jour de l’histoire de la langue bretonne fut celui du 8
juillet 1941. Pour la première fois depuis la venue de nos ancêtres de
Grande Bretagne, ils étaient arrivés avec leurs dialectes ; la forme écrite
de notre idiome fut totalement unifiée. L’accord du 8 juillet fut un accord
d’une importance nationale : l’ablation radicale de l’abcès dans le ventre
de notre langue. Ce devrait être un devoir pour les Bretons de fêter tous
les ans le 8 Juillet comme l’une de leurs fêtes nationales ». (Cité par
Ronan Calvez, dans son article sur Roparz Hémon).
Hémon et radio-Rennes.
Jusqu’alors, Hémon a enseigné dans le cadre de l’éducation nationale.
Il est agrégé de l’université, et a publié des travaux de valeur, qui ont
établi sa réputation, et fait de lui une autorité dans les domaines de sa
compétence.
Depuis des années, il s’est rapproché de plusieurs universitaires
allemands passionnés comme lui de culture celte. Le principal est le
professeur Léo Weisberger, qui enseigne à l’université de Marburg, ville
libre de la province de Hesse, avec qui il entretiendra des relations
professionnelles et amicales pendant de longues années. Les
Allemands occupent le nord de la France depuis le mois de juin 1940.
..., Weisberger accueillera Roparz au Hanovre lorsque celui-ci quitte la
France en août 1944.
L’armistice ayant été signé le 22 juin 1940, ce n’est pas Hémon qui
sollicite Weisberger pour travailler à radio Rennes, mais l’inverse : on lui
demande d’y faire des émissions. La radio est un organisme de
propagande placé sous la direction de Weisberger, et qui dépend de
radio-Paris. Les deux hommes partagent la même passion pour la
civilisation celte. A aucun moment, Roparz Hémon ne fait d’émissions
politiques, encore moins en faveur du régime nazi, ce qui est démontré
lors de l’instruction très fouillée dont il est l’objet après son arrestation.
Lorsqu’il entre à Radio-Rennes, en 1941 , le régime de Vichy, qui avait
fait quelques concessions apparentes au mouvement breton
(autorisation d’un enseignement facultatif de la langue bretonne, sous
surveillance des autorités rectorales, à raison d’une heure par
semaine), avait largement pris ses distances avec le mouvement
breton, car le but réel de la France est d’assassiner les langues des
nations périphériques. C’est une méthode « douce », hypocrite, pour
aboutir à terme à la mort programmée de la langue bretonne. Les
Bretons sont trompés, une fois de plus. C’est un décret du 30 juin 1941,
signé par le maréchal Pétain, qui scinde officiellement la Bretagne, en
séparant la Loire inférieure des quatre autre départements bretons,
séparation maintenue par de Gaulle en 1945, pour les mêmes raisons :
étouffer la culture bretonne, jusqu’à sa disparition.
Il quitte l’enseignement pour entrer à Radio-Rennes, qui est un
organisme privé ; à ce titre, il ne peut plus être appointé par l’État, et
acceptera d’être appointé par les Allemands ..
Le maréchal Pétain a accepté de rencontrer le chancelier Hitler à
Montoire le 24 octobre 1940. Le 30 octobre, le maréchal annonce à la
radio qu’il accepte de collaborer avec les Allemands. Ce qui lui est
encore reproché avec virulence aujourd’hui, bien que les historiens qui
pensent connaître l’histoire de ce temps, pensent qu’il n’a jamais rien
souhaité d’autre que la défaite des Allemands, sauf à la France de
ne pas subir de graves préjudices en cas d’une victoire éventuelle
de ce pays et de ce régime ennemis. Son discours, qui n’est qu’une
ruse destinée à tromper les Allemands, donne à penser le contraire ;
les concessions qu’il leur fait dans plusieurs domaines – ses conseillers
plutôt que lui-même -, vont être pris à la lettre par ses ennemis. Jusqu’à
aujourd’hui.
Les Allemands ne sont pas dupes. Ils l’appellent « le vieux renard ».
J’ai étudié très en détail le dossier, depuis des années. Je pense donc
avoir raison sur ce point, et ai publié mon opinion dans plusieurs
journaux étrangers, notamment en Suisse, mon article ayant été
censuré en France, comme non conforme à la doxa. Le but n’est pas
de collaborer avec les Allemands, que le maréchal déteste – des
collaborateurs proches du maréchal en ont attesté, d’une manière
répétitive et très ferme -, mais d’obtenir d’eux des concessions, en
attendant et en espérant la fin de la guerre. Il y a malheureusement des
ombres au tableau de ce marché de dupes. Souvent, le maréchal est
dépassé par son gouvernement, qui prend les décisions à sa place.
Une radio est créée à Rennes aux fins de propagande nazie.
De juillet 1941, Hémon a la responsabilité d’émissions en langue
bretonne à radio-rennes, station privée, organisme privé. Il est mis à la
disposition des autorités occupantes, mais rémunéré par l’État français
dans un premier temps. C’est en 1943 seulement qu’il est rémunéré
comme les autres animateurs de la radio. Cette radio, située dans la
zone nord occupée, est dirigée par les allemands. Il entre en fonctions
le 1
er
juillet 1941, quelques jours après le décret du 30 juin. Il cessera
ses fonctions en juin 1944, les troupes alliées ayant débarqué en
Normandie le 6 juin 1944.
Hémon ne dirige pas cette radio, mais est seulement invité à réaliser
des émissions ; il n’effectue que des émissions culturelles, strictement
neutres politiquement.
Dans le même temps, il assure la direction de la revue Gwalarn, qui
publie bientôt des extraits d’oeuvres de grands écrivains français et
étrangers comme Shakespeare, Cervantes, Herman, et d’autres de
renommée internationale.
Il crée l’Institut culturel breton, dont il assume la direction.
Bientôt, les numéros de la revue sont entièrement publiés en breton.
Chose qui étonne aujourd’hui, Hémon est favorable à l’espéranto,
langue créée en 1887 par le polonais d’origine juive Zamenhof . Il est
favorable au développement de cette langue, qu’il pense pouvoir un
jour, dans la meilleure des hypothèses, remplacer les langues
colonisatrices et impérialistes que sont le français, l’anglais, l’allemand,
l’espagnol, le portugais.
Il fournit pendant la période de la guerre un travail phénoménal : évitant
strictement les sujets politiques, sans assumer aucune fonction de
direction à la radio, il y produit de nombreuses émissions culturelles et
littéraires, , dirige la revue Gwalarn, écrit de très nombreux articles en
différentes langues, des ouvrages divers, assure la direction de l’équipe
rédactionnelle ; les contacts avec ses collaborateurs sont difficiles, car
les Bretons sont atteints depuis toujours d’au moins deux maladies
chroniques, incurables à ce jour : la division et la jalousie, défauts
majeurs auxquels il se heurte en permanence. Mon cousin de Camaret,
Louis Mélenec, décédé il y a plusieurs années, avait coutume de dire :
« Pourquoi la France s’épuiserait-elle à nous détruire ? Les Bretons
s’en chargent ! » (cf : l’ignominie de 2014).
Mais il chemine, grâce à sa ténacité exceptionnelle et sa capacité de
travail phénoménale, ce qui sera reconnu par tous les gens normaux
après la fin de la guerre. Il écrit ceci alors qu’il se trouve à Dublin :
« (...) » il se produisit un miracle : pendant quatre ans, de 1940 à 1944, un vent de
liberté passa sur la Bretagne ; chaque vrai Breton put travailler presque sans
tracas, et la vie de l'esprit fleurit. Pendant ces quatre années-là les Bretons
conscients apprirent qu'ils étaient capables de s’occuper de leur pays seuls, une
leçon qu'ils ne sont pas prêts d'oublier. »
Un ami qui l’a connu en Irlande m’écrit : « Hémon était préoccupé par
une seule chose : sa mission de linguiste et d’écrivain ; il ne faisait pas
de politique ».
Ces phrases traduisent la vérité, mais pas entièrement. La création
artistique, en France, pendant la guerre, s’est maintenue à un niveau
exceptionnel. Ce que confirme Jean-Paul Sarte dans un constat non
moins célèbre. Mais la liberté ne fut pas totale. Dans le cadre de son
activité, Hémon a créé librement. Mais ce ne fut pas le cas pour tous.
L’échec de Roparz Hémon. Son procès à Rennes en 1947.
La guerre, gagnée ou perdue par les alliés, Hémon, réduit à ses propres
forces, ne pouvait guère gagner la bataille dans son combat en faveur
de la langue bretonne. Plusieurs raisons expliquent cet échec :
- L’Allemagne, qui a fait croire qu’elle favoriserait le retour à
l’indépendance de la Bretagne, a renoncé à ce projet, devenu inutile
pour elle, après l’entrevue de Montoire, qui lui a fait croire à une forme
de « collaboration », terme éminemment malheureux.
- La partie était inégale. Le Maréchal était favorable aux thèses de
Mauras, avec une reconstitution des provinces de l’ancienne France
monarchique, et la nomination de gouverneurs provinciaux. Ses
conseillers lui ont montré les dangers de cette solution, et ce sont eux
qui ont imposé l’amputation de la Bretagne en juin 1941. Comme l’écrit
Hémon, la France, pays étranger, fait semblant de donner d’une main –
très chichement -, ce qu’elle retire de l’autre. C’est une politique de
tromperie, dont ce pays est un spécialiste hautement qualifié, depuis
toujours.
- Le projet de Hémon est trop ambitieux, ce qu’il reconnaît lui-même :
moderniser la langue et l’enrichir, certes ! Mais il n’y a aucun relais dans
la population, qui n’est pas intéressée pas ces spéculations largement
intellectuelles ; les Bretons parlent la langue qu’ils ont apprise dans
leurs familles, non dans les revues des linguistes, si remarquables
soient-elles. Ils n’y ont même pas accès ! L’influence de Hémon ne
touche que de petits groupes de sympathisants, un certain nombre des
réformes proposées restent pour l’homme de la rue une alchimie
difficilement compréhensible.
- A quoi s’ajoutent les divisions permanentes de ce qu’on appelle « le
mouvement breton », toujours plus préoccupé de détruire qu’à
rechercher de vraies solutions, et plus apte à reculer qu’à avancer.
Les « alliés » ayant gagné la guerre, ceux qui ont travaillé à restaurer la
Bretagne dans sa langue, sa culture et sa dignité vont en payer le prix.
Pas seulement eux : ceux qui ont témoigné de la sympathie pour leur
langue, leur culture, leur musique, et les nombreux Bretons, simplement
soupçonnés d’avoir montré de la sympathie pour la renaissance des
activités culturelles bretonnes, Il en est ainsi dans les colonies qui ont
tenté de se libérer, en particulier l’Indochine, l’Algérie, le Cameroun ..
des qualificatifs haineux sont encore déversés sur ces patriotes, là où
les vrais « collabos » occupent tous les postes prébendés par l’État
français.
Le débarquement de Normandie ayant eu lieu le 6 juin 1944, les très
maigres effectifs français n’y jouant aucun rôle, Hémon, menacé d’être
arrêté et jugé, peut-être condamné à la peine de mort, soucieux de sa
vie, quitte Rennes, au début d’août 1944, dans le même camion que
Marcel Guiyesse. nationaliste breton. Attitude éminemment humaine
pour qui souhaite rester en vie, mais qualifiée par les néo-collabos de
fuite ! Il est accueilli avec ce dernier à Strasbourg par les allemands. Ce
qui, s’ajoutant au reste, fera dire à Henri Fréville, élu maire de Rennes –
qui n’est pas Breton, et qui ne peut ressentir charnellement ce que
représente le sentiment national breton., qu’il a été complice des nazis.
Il est accueilli au Hanovre par Weisberger. Mais il regagne la France et
est traduit devant une haute cour de justice.
Les gaullistes s’étant emparés du pouvoir, rétablissent une répression
jacobine féroce, supprimant les maigres concessions du pouvoir de
Vichy, en matière d’enseignement, et, plus grave, interdisent
l’enseignement de l’histoire de la Bretagne, terreau sur lequel les
marxistes vont fleurir : ils ont encore, dans les pays qu’ils occupent, de
nombreux millions d’hommes à assassiner.
En 1945, j’ai quatre ans. Je fais connaissance avec cette « hystoyre »
de France, qui n’est en rien celle des Bretons, à l’école communale du
Guilvinec, précisément en 1947, l’année du procès de Hémon à
Rennes, dont nous ignorons le nom et même l’existence, car la France
est cachotière ! Je subis donc le début de mon lavage de cerveau à
l’age de six ans. Le comité consultatif de Bretagne, constitué en 1942,
qui avait laissé connaître son désir de voir reconstituée la province de
Bretagne, l’enseignement de la langue bretonne, et une assemblée
provinciale, n’est plus réuni. Jacques Chirac, s’il avait été présent, aurait
commenté de la manière suivante : PSCHITT .. ! C’est cette politique,
désignée par certain par le vocable de « pschittisme », que la France
applique, et dont j’ai été victime. Jusqu’à l’âge de 30 ans. J’ai été libéré,
et enfin mis au courant de la triste « œuvre civilisatrice de la France en
Bretagne » par Yann Brekilien (Jean Sicard), président du tribunal
d’instance de Quimper ; un homme admirable, d’une rigueur morale
exceptionnelle. Cette libération a fait de moi un autre homme, et m’a
permis d’accéder à une spiritualité de qualité bien supérieure.
Tous les membres influents du mouvement breton sont inquiétés,
arrêtés, emprisonnés. D’autres aussi, qui n’ont rien fait de plus offensif
que de... jouer du biniou, ou de la bombarde (à ce qu’on m’a dit!),
activités hautement suspectes pour la France des Libertés.. Plusieurs
sont exécutés, d’autres doivent s’enfuir.
Hémon est inculpé « d’intelligence avec l’ennemi », et est emprisonné
pendant une année. L’instruction est très détaillée, minutieuse. Il est
démontré que les émissions dont il a eu la responsabilité, étaient
exclusivement culturelles, et qu’il n’a en aucun cas été un
propagandiste des doctrines allemandes.
La France mène une politique impitoyable d’ « épuration ». Les
« résistants » - ceux de la dernière heure sont les plus cruels, étant les
plus lâches, en Bretagne comme ailleurs - et se livrent à des exactions
nombreuses : exécutions sommaires, sans procès, sans avocats, sans
défense ; viols de femmes ayant eu, ou supposées avoir eu des
relations avec des allemands ; humiliations insupportables telles que
dénuement de ces femmes en public, et tonte complète des cheveux,
promenades de ces femmes nues dans les rues, sous les injures et les
quolibets, parfois avec leurs enfants dans les bras ...
La convention du breton KLGT étant née en 1941, pendant l’occupation
allemande, des sous développés intellectuels veulent en faire une
œuvre de collaboration. Les faux arguments s’accumulent en trompe
l’oeil : la population bretonne, reste totalement ignorante de son histoire,
et encaisse ces coups abjects, étant privée de tout moyen de répondre.
Que le gros des troupes du mouvement breton ait voulu recréer un Etat
de Bretagne, et reprendre la totalité des droits nationaux et
internationaux du pays ne fait aucun doute. Le préfet de région Ripert,
réputé favorable à la renaissance de l’identité bretonne, ayant été
chassé, et remplacé il n’a jamais été question, pour les Bretons, de
devenir vassaux de l’Allemagne, encore moins de continuer à subir la
férule de la France. On conduira la politique du pays à droite ou à
gauche, dans son seul intérêt : la Bretagne est bretonne, en bonnes
relations avec ceux qui partagent ses valeurs, mais certainement pas
française.
D’Allemagne, Hémon prend le chemin pour revenir en France, est
arrêté et emprisonné , puis traduit devant le tribunal. Il est accusé du
crime de collaboration, et d’ intelligence avec l’ennemi.
On a voulu, à toute force, expliquer la décision du tribunal par
l’intervention de l’Angleterre et de l’Irlande, et des nombreux Bretons qui
se mobilisent en sa faveur. Une pétition recueille 3000 signatures.
Hémon sort libre du tribunal. Il n’est pas condamné pour crime de
collaboration. Il n’y a pas de charges contre lui. Si cela avait été le cas,
compte tenu du contexte de l’époque, et de la fureur de répression qui s’est
abattue sur la France, il eut été condamné à des peines sévères, probablement
exécuté .
A cause de ses positions anti-françaises – qu’il n’a jamais dissimulées,
car lui et les siens connaissent par coeur les atrocités perpétrées par
l’État colonial, il est condamné à dix ans d’indignité nationale, et à ce
titre, ne peut reprendre ses fonctions d’enseignant en France. Il vit
quelque temps dans la région parisienne, à Fontenay-aux-Roses, puis
s’expatrie en Irlande, en 1947. On lui offre un poste d’enseignant à
l’Institut des Hautes Etudes de Dublin ; il part en Irlande, pays frère, qui
a subi lui aussi les crimes contre l’humanité de la part de l’État
occupant, notamment la persécution linguistique et culturelle, la
confiscation des terres par les Anglais, la famine dramatique du siècle,
qui fait plus de un million de victimes au 19ème siècle.
On a soutenu – sans aucune preuve , que les Gallois sont intervenus
pour obtenir son acquittement. Ronan Calvez, qui a eu accès au dossier, ne
fait état d’aucune intervention extérieure. S’il y en avait eu, cela aurait été
une excellente chose : Hémon était un patriote, non un criminel ; en
revanche, à l’époque, tous les gens informés sont au courant des
crimes contre l’humanité commis par la France contre les Bretons (la
Shoah de 1675, les noyades atroces de Nantes en 1793-1794), ainsi
que des persécutions d’inspiration antépréhistoriques, ce qui va
quelques années plus tard entrer dans la législation européenne et
mondiale, par la reconnaissance solennelle des droits des minorités, la
charte des langues, les dénonciations mondiales des pratiques , le
maintien de la France dans ses dernières colonies. Cerise sur le
gâteau : la France n’applique pas ces lois internationales. Ce qui est
normal : bien loin d’avoir inventé les droits de l’homme, elle les a fait
régresser.
Hémon est condamné à dix ans d’« indignité nationale » avec
interdiction de séjour en Bretagne. Ce qui rend impossible sa
réintégration dans l’éducation nationale en France, et l’oblige à quitter
sa Bretagne, pour aller vivre à Dublin, où on lui offre la possibilité de
gagner à nouveau sa vie. Il décide de son propre chef, après quelques
mois difficiles à Paris, de s’exiler. Il s’installe en 1947 et obtient, grâce à
l’intervention du président De Valera lui-même, un poste au Dublin
Institute for Advanced Studies. (Francis Favereau) . Il meurt à Dublin le
29 juin 1978.
Son ami Pierre Laurent écrit :
« En 1947, je témoignai à son procès à Rennes. Sur la demande de sa
mère j'étais allé à Westminster alerter les parlementaires gallois. Un
journaliste du Goch vint ostensiblement s'asseoir au banc des
journalistes. L'interrogatoire faisait redouter le pire. Mais le bruit fut
colporté jusqu'au président qu'il y avait dans la salle un émissaire du
gouvernement britannique. L'audience fut interrompue et le procès
reporté pour demander à Paris de nouvelles instructions. Quand il reprit,
l'ambiance avait changé et le réquisitoire du ministère public fut un
véritable appel. Le journaliste gallois m'avait d'ailleurs fait savoir qu'il
était inutile qu'il se dérange. Et Roparz Hémon sortit libre du Palais de
Justice (témoignage de son ami Pierre Laurent dans son livre "Roparz
Hémon : 1900- 1978.
En cherchant un peu, on peut trouver d'autres relations du procès.
L’un des universitaires qui l’a connu, en Irlande, où il s’était réfugié,
ayant été condamné, m’écrit que Hémon ne parlait jamais de politique,
mais s’était enfermé dans sa tour de Babel littéraire, et qu’on n’imaginait
pas qu’il puisse se comporter autrement.
Hémon a-t-il été un collaborateur ?
Toutes les tendances ont été représentées à l’intérieur du mouvement
breton, de l’extrême droite à l’extrême gauche, de l’admiration des
thèses nationale-socialistes à leur rejet absolu. Le trait principal de ce
qu’on dénomme le « mouvement breton » : la division, avec ses
attributs naturels : la dispute , les contentieux, les injures, la jalouseté.
Avec leurs ignobles effets collatéraux, dont j’ai fait l’expérience.
Jacqueline Sainclivier, historienne fiable et respectable, considère que la
frange favorable à l’Allemagne est « ultra-minoritaire » ; toutes les
sympathies et les antipathies s’y sont exprimées ; une petite fraction des
autonomistes a été non seulement vichyssoise mais a aussi pro-nazie au point
d’accepter et de vouloir, pour certains, la création d’une milice (la « milice
Perrot ») sous uniforme allemand et dépendante du SD (Sicherheitsdienst). Infime
minorité (pas plus de 80 hommes), il n’empêche qu’à cause de ces rares
sympathies pour l’ennemi, la France a grossièrement manipulé l’opinion, et
convaincu que les Bretons étaient des collaborateurs ; l’opprobre a rejailli sur
l’ensemble du mouvement breton, dont l’image a longtemps été ternie. »
(Sainclivier). On a pu entendre dans les télévisions du système cette phrase
immortelle : « Derrière tout breton, je vois un nazi » (!). Le professeur Mélenchon
s’est rendu célèbre par cette citation : « Les écoles bilingues DIWAN sont des
sectes » (!)
Roparz Hémon a évidemment été jalousé par les médiocres, c’est une
loi universelle, mais qui a joué à plein en Bretagne ; il s’est imposé par
son savoir, la qualité de ses œuvres, et sa capacité de se placer au
dessus de cette multitude de disputes mesquines. Toutes qualités qui
n’ont jamais été acceptées par les déshérités de l’esprit. C’est ce
qu’exprime la loi DE PETER : plus on est médiocre, plus grandes
sont les chances de gravir l’échelle des carrières, surtout
politiques.
Je n’ai aucune opinion sur celles de ses œuvres écrites en langue
bretonne : mes parents, humiliés par le pays des droits de
l’homme d’être des Bretons, ont cru bien faire en m’élevant en
français ; ainsi, je parle exclusivement la langue du colonisateur.
Les Bretons ont le sort qu’ils méritent. Ils sont les principaux
artisans de ce qui leur arrive. Il y a longtemps qu’ils auraient dû
retrouver leur place sur la scène internationale.
LOUIS MELENNECROPARTZ HEMON
La vérité sur l’affaire HEMON :
- Le but de Hémon : rajeunir et réformer la
langue bretonne.
- L’absence de colllaboration avec les Nazis.
- L’ » épuration « de 1945 : un instrument à tuer
le mouvement breton, et à accuser toute la
Bretagne : une ignominie française.
- La haine de Vichy et de Pétain à l’encontre des
Allemands.
(Extraits d’un article de Louis Mélennec).
Pour Hémon et son équipe, l’entreprise passe par la renaissance de l’identité
nationale. Il lie cette renaissance à la re-création de la langue, qu’il faut rénover,
enrichir, moderniser, de manière à la rendre concurrentielle par rapport aux autres
langues. C’est une erreur de stratégie, mais quasi-inéluctable à cette époque.
Hémon n’a pas compris que la renaissance de l’identité bretonne passe par
l’enseignement de l’histoire, et les horreurs qui ont été commises en Bretagne
depuis la prétendue réunion à la France, en 1532.
Les intentions de Hémon sont très clairement exprimées dans ses écrits. La
France a tout fait pour assassiner la langue bretonne : on va la combattre avec les
mêmes armes :
En 1927, bien avant l’arrivée des Allemands, il expose très complètement son
programme :
« La Bretagne sera sauvée le jour où nous aurons créé, malgré tous et contre tous
une vie nationale en Bretagne. »
« La Bretagne sera sauvée le jour où nous aurons appris à nos compatriotes à
lire et à écrire notre langue, le jour où nous aurons expliqué notre histoire, le jour
où nous aurons amélioré notre langue, composé notre littérature, créé nos écoles
avec nos maîtres, et payé nos livres avec notre argent, le jour où nous aurons
élevé suffisamment l’esprit de nos compatriotes, pour en faire un peuple libre,
dans tous les domaines de leur vie du corps et de l’âme. Et dire tout cela ne sera
pas sans liberté politique »
Le discours est pertinent, mais, centré sur la langue et la littérature, il
est voué à l’échec.
« Entre le breton et le français, il faut choisir. Nous choisissons le breton... Nous
sommes esclaves du français tant que nous sommes réduits, pour apprendre, pour
exprimer quoi que ce soit, à utiliser des livres français, à parler, à écrire en français.
Abattons les murs de notre prison. Apprenons d’autres langues... [...] En ce qui nous
concerne, puisse cette vérité être enfoncée dans notre tête : tuons le français ou le
français nous tuera.... »
L’entreprise de Hémon est tout à fait louable, mais inexacte sur un point
important. Elle donne la priorité à la langue et à la littérature, alors que
la renaissance de l’identité des Bretons doit nécessairement donner la
priorité à l’histoire nationale.
En 1936, se tient à Lorient une réunion qui a pour but de fonder une
langue unifiée, synthétisant ensemble les dialectes bretons, y compris
le dialecte vannetais, qui occupe une place originale dans le patrimoine
linguistique breton. La démarche paraît originale. Elle ne l’est pas. De
nombreux pays, menacés par des Etats centraux tentaculaires, ont
effectué la même, pour sauver leur patrimoine linguistique et littéraire.
Les écrivains les plus importants sont présents. Parmi eux : les
Vannetais Xavier de Langlais, peintre et écrivain, Loeiz Herrieu,
dirigeant de la revue Dihunamb (Réveillons nous !), créée en 1905.
Cette tentative échoue en raison de l'opposition forte des "trois sages",
opposition relayée (mollement) par Roparz Hémon, et surtout de
l’absolue ignorance de la population bretonne de son histoire, interdite
d’enseignement, et remplacée par l’histoire du pays colonial. A cette
époque, la quasi totalité de cette population a honte d’elle-même : elle
souffre d’une pathologie aujourd’hui parfaitement décrite – pas
seulement par mes travaux -, l’acculturation, ou lavage des cerveaux
par le colonisateur.
La réforme de 1936 n’ayant pu se faire, il reste à à reprendre le travail.
En 1941 et en 1942, les linguistes et les écrivains aboutissent à un
accord. Une nouvelle étape est franchie : le 8 juillet 1941, on adopte
une nouvelle synthèse, appelée langue KLTG, qui inclut le
dialecte vannetais (Gwenedeg) qui se substitue à celle du KLT
(voir Orthographe du breton). Cette langue est appelée le peurunvan,
c’est à dire « totalement unifiée ».
De cette création historique, Hémon écrit :
« Le plus grand jour de l’histoire de la langue bretonne fut celui du 8
juillet 1941. Pour la première fois depuis la venue de nos ancêtres de
Grande Bretagne, ils étaient arrivés avec leurs dialectes ; la forme écrite
de notre idiome fut totalement unifiée. L’accord du 8 juillet fut un accord
d’une importance nationale : l’ablation radicale de l’abcès dans le ventre
de notre langue. Ce devrait être un devoir pour les Bretons de fêter tous
les ans le 8 Juillet comme l’une de leurs fêtes nationales ». (Cité par
Ronan Calvez, dans son article sur Roparz Hémon).
Hémon et radio-Rennes.
Jusqu’alors, Hémon a enseigné dans le cadre de l’éducation nationale.
Il est agrégé de l’université, et a publié des travaux de valeur, qui ont
établi sa réputation, et fait de lui une autorité dans les domaines de sa
compétence.
Depuis des années, il s’est rapproché de plusieurs universitaires
allemands passionnés comme lui de culture celte. Le principal est le
professeur Léo Weisberger, qui enseigne à l’université de Marburg, ville
libre de la province de Hesse, avec qui il entretiendra des relations
professionnelles et amicales pendant de longues années. Les
Allemands occupent le nord de la France depuis le mois de juin 1940.
..., Weisberger accueillera Roparz au Hanovre lorsque celui-ci quitte la
France en août 1944.
L’armistice ayant été signé le 22 juin 1940, ce n’est pas Hémon qui
sollicite Weisberger pour travailler à radio Rennes, mais l’inverse : on lui
demande d’y faire des émissions. La radio est un organisme de
propagande placé sous la direction de Weisberger, et qui dépend de
radio-Paris. Les deux hommes partagent la même passion pour la
civilisation celte. A aucun moment, Roparz Hémon ne fait d’émissions
politiques, encore moins en faveur du régime nazi, ce qui est démontré
lors de l’instruction très fouillée dont il est l’objet après son arrestation.
Lorsqu’il entre à Radio-Rennes, en 1941 , le régime de Vichy, qui avait
fait quelques concessions apparentes au mouvement breton
(autorisation d’un enseignement facultatif de la langue bretonne, sous
surveillance des autorités rectorales, à raison d’une heure par
semaine), avait largement pris ses distances avec le mouvement
breton, car le but réel de la France est d’assassiner les langues des
nations périphériques. C’est une méthode « douce », hypocrite, pour
aboutir à terme à la mort programmée de la langue bretonne. Les
Bretons sont trompés, une fois de plus. C’est un décret du 30 juin 1941,
signé par le maréchal Pétain, qui scinde officiellement la Bretagne, en
séparant la Loire inférieure des quatre autre départements bretons,
séparation maintenue par de Gaulle en 1945, pour les mêmes raisons :
étouffer la culture bretonne, jusqu’à sa disparition.
Il quitte l’enseignement pour entrer à Radio-Rennes, qui est un
organisme privé ; à ce titre, il ne peut plus être appointé par l’État, et
acceptera d’être appointé par les Allemands ..
Le maréchal Pétain a accepté de rencontrer le chancelier Hitler à
Montoire le 24 octobre 1940. Le 30 octobre, le maréchal annonce à la
radio qu’il accepte de collaborer avec les Allemands. Ce qui lui est
encore reproché avec virulence aujourd’hui, bien que les historiens qui
pensent connaître l’histoire de ce temps, pensent qu’il n’a jamais rien
souhaité d’autre que la défaite des Allemands, sauf à la France de
ne pas subir de graves préjudices en cas d’une victoire éventuelle
de ce pays et de ce régime ennemis. Son discours, qui n’est qu’une
ruse destinée à tromper les Allemands, donne à penser le contraire ;
les concessions qu’il leur fait dans plusieurs domaines – ses conseillers
plutôt que lui-même -, vont être pris à la lettre par ses ennemis. Jusqu’à
aujourd’hui.
Les Allemands ne sont pas dupes. Ils l’appellent « le vieux renard ».
J’ai étudié très en détail le dossier, depuis des années. Je pense donc
avoir raison sur ce point, et ai publié mon opinion dans plusieurs
journaux étrangers, notamment en Suisse, mon article ayant été
censuré en France, comme non conforme à la doxa. Le but n’est pas
de collaborer avec les Allemands, que le maréchal déteste – des
collaborateurs proches du maréchal en ont attesté, d’une manière
répétitive et très ferme -, mais d’obtenir d’eux des concessions, en
attendant et en espérant la fin de la guerre. Il y a malheureusement des
ombres au tableau de ce marché de dupes. Souvent, le maréchal est
dépassé par son gouvernement, qui prend les décisions à sa place.
Une radio est créée à Rennes aux fins de propagande nazie.
De juillet 1941, Hémon a la responsabilité d’émissions en langue
bretonne à radio-rennes, station privée, organisme privé. Il est mis à la
disposition des autorités occupantes, mais rémunéré par l’État français
dans un premier temps. C’est en 1943 seulement qu’il est rémunéré
comme les autres animateurs de la radio. Cette radio, située dans la
zone nord occupée, est dirigée par les allemands. Il entre en fonctions
le 1
er
juillet 1941, quelques jours après le décret du 30 juin. Il cessera
ses fonctions en juin 1944, les troupes alliées ayant débarqué en
Normandie le 6 juin 1944.
Hémon ne dirige pas cette radio, mais est seulement invité à réaliser
des émissions ; il n’effectue que des émissions culturelles, strictement
neutres politiquement.
Dans le même temps, il assure la direction de la revue Gwalarn, qui
publie bientôt des extraits d’oeuvres de grands écrivains français et
étrangers comme Shakespeare, Cervantes, Herman, et d’autres de
renommée internationale.
Il crée l’Institut culturel breton, dont il assume la direction.
Bientôt, les numéros de la revue sont entièrement publiés en breton.
Chose qui étonne aujourd’hui, Hémon est favorable à l’espéranto,
langue créée en 1887 par le polonais d’origine juive Zamenhof . Il est
favorable au développement de cette langue, qu’il pense pouvoir un
jour, dans la meilleure des hypothèses, remplacer les langues
colonisatrices et impérialistes que sont le français, l’anglais, l’allemand,
l’espagnol, le portugais.
Il fournit pendant la période de la guerre un travail phénoménal : évitant
strictement les sujets politiques, sans assumer aucune fonction de
direction à la radio, il y produit de nombreuses émissions culturelles et
littéraires, , dirige la revue Gwalarn, écrit de très nombreux articles en
différentes langues, des ouvrages divers, assure la direction de l’équipe
rédactionnelle ; les contacts avec ses collaborateurs sont difficiles, car
les Bretons sont atteints depuis toujours d’au moins deux maladies
chroniques, incurables à ce jour : la division et la jalousie, défauts
majeurs auxquels il se heurte en permanence. Mon cousin de Camaret,
Louis Mélenec, décédé il y a plusieurs années, avait coutume de dire :
« Pourquoi la France s’épuiserait-elle à nous détruire ? Les Bretons
s’en chargent ! » (cf : l’ignominie de 2014).
Mais il chemine, grâce à sa ténacité exceptionnelle et sa capacité de
travail phénoménale, ce qui sera reconnu par tous les gens normaux
après la fin de la guerre. Il écrit ceci alors qu’il se trouve à Dublin :
« (...) » il se produisit un miracle : pendant quatre ans, de 1940 à 1944, un vent de
liberté passa sur la Bretagne ; chaque vrai Breton put travailler presque sans
tracas, et la vie de l'esprit fleurit. Pendant ces quatre années-là les Bretons
conscients apprirent qu'ils étaient capables de s’occuper de leur pays seuls, une
leçon qu'ils ne sont pas prêts d'oublier. »
Un ami qui l’a connu en Irlande m’écrit : « Hémon était préoccupé par
une seule chose : sa mission de linguiste et d’écrivain ; il ne faisait pas
de politique ».
Ces phrases traduisent la vérité, mais pas entièrement. La création
artistique, en France, pendant la guerre, s’est maintenue à un niveau
exceptionnel. Ce que confirme Jean-Paul Sarte dans un constat non
moins célèbre. Mais la liberté ne fut pas totale. Dans le cadre de son
activité, Hémon a créé librement. Mais ce ne fut pas le cas pour tous.
L’échec de Roparz Hémon. Son procès à Rennes en 1947.
La guerre, gagnée ou perdue par les alliés, Hémon, réduit à ses propres
forces, ne pouvait guère gagner la bataille dans son combat en faveur
de la langue bretonne. Plusieurs raisons expliquent cet échec :
- L’Allemagne, qui a fait croire qu’elle favoriserait le retour à
l’indépendance de la Bretagne, a renoncé à ce projet, devenu inutile
pour elle, après l’entrevue de Montoire, qui lui a fait croire à une forme
de « collaboration », terme éminemment malheureux.
- La partie était inégale. Le Maréchal était favorable aux thèses de
Mauras, avec une reconstitution des provinces de l’ancienne France
monarchique, et la nomination de gouverneurs provinciaux. Ses
conseillers lui ont montré les dangers de cette solution, et ce sont eux
qui ont imposé l’amputation de la Bretagne en juin 1941. Comme l’écrit
Hémon, la France, pays étranger, fait semblant de donner d’une main –
très chichement -, ce qu’elle retire de l’autre. C’est une politique de
tromperie, dont ce pays est un spécialiste hautement qualifié, depuis
toujours.
- Le projet de Hémon est trop ambitieux, ce qu’il reconnaît lui-même :
moderniser la langue et l’enrichir, certes ! Mais il n’y a aucun relais dans
la population, qui n’est pas intéressée pas ces spéculations largement
intellectuelles ; les Bretons parlent la langue qu’ils ont apprise dans
leurs familles, non dans les revues des linguistes, si remarquables
soient-elles. Ils n’y ont même pas accès ! L’influence de Hémon ne
touche que de petits groupes de sympathisants, un certain nombre des
réformes proposées restent pour l’homme de la rue une alchimie
difficilement compréhensible.
- A quoi s’ajoutent les divisions permanentes de ce qu’on appelle « le
mouvement breton », toujours plus préoccupé de détruire qu’à
rechercher de vraies solutions, et plus apte à reculer qu’à avancer.
Les « alliés » ayant gagné la guerre, ceux qui ont travaillé à restaurer la
Bretagne dans sa langue, sa culture et sa dignité vont en payer le prix.
Pas seulement eux : ceux qui ont témoigné de la sympathie pour leur
langue, leur culture, leur musique, et les nombreux Bretons, simplement
soupçonnés d’avoir montré de la sympathie pour la renaissance des
activités culturelles bretonnes, Il en est ainsi dans les colonies qui ont
tenté de se libérer, en particulier l’Indochine, l’Algérie, le Cameroun ..
des qualificatifs haineux sont encore déversés sur ces patriotes, là où
les vrais « collabos » occupent tous les postes prébendés par l’État
français.
Le débarquement de Normandie ayant eu lieu le 6 juin 1944, les très
maigres effectifs français n’y jouant aucun rôle, Hémon, menacé d’être
arrêté et jugé, peut-être condamné à la peine de mort, soucieux de sa
vie, quitte Rennes, au début d’août 1944, dans le même camion que
Marcel Guiyesse. nationaliste breton. Attitude éminemment humaine
pour qui souhaite rester en vie, mais qualifiée par les néo-collabos de
fuite ! Il est accueilli avec ce dernier à Strasbourg par les allemands. Ce
qui, s’ajoutant au reste, fera dire à Henri Fréville, élu maire de Rennes –
qui n’est pas Breton, et qui ne peut ressentir charnellement ce que
représente le sentiment national breton., qu’il a été complice des nazis.
Il est accueilli au Hanovre par Weisberger. Mais il regagne la France et
est traduit devant une haute cour de justice.
Les gaullistes s’étant emparés du pouvoir, rétablissent une répression
jacobine féroce, supprimant les maigres concessions du pouvoir de
Vichy, en matière d’enseignement, et, plus grave, interdisent
l’enseignement de l’histoire de la Bretagne, terreau sur lequel les
marxistes vont fleurir : ils ont encore, dans les pays qu’ils occupent, de
nombreux millions d’hommes à assassiner.
En 1945, j’ai quatre ans. Je fais connaissance avec cette « hystoyre »
de France, qui n’est en rien celle des Bretons, à l’école communale du
Guilvinec, précisément en 1947, l’année du procès de Hémon à
Rennes, dont nous ignorons le nom et même l’existence, car la France
est cachotière ! Je subis donc le début de mon lavage de cerveau à
l’age de six ans. Le comité consultatif de Bretagne, constitué en 1942,
qui avait laissé connaître son désir de voir reconstituée la province de
Bretagne, l’enseignement de la langue bretonne, et une assemblée
provinciale, n’est plus réuni. Jacques Chirac, s’il avait été présent, aurait
commenté de la manière suivante : PSCHITT .. ! C’est cette politique,
désignée par certain par le vocable de « pschittisme », que la France
applique, et dont j’ai été victime. Jusqu’à l’âge de 30 ans. J’ai été libéré,
et enfin mis au courant de la triste « œuvre civilisatrice de la France en
Bretagne » par Yann Brekilien (Jean Sicard), président du tribunal
d’instance de Quimper ; un homme admirable, d’une rigueur morale
exceptionnelle. Cette libération a fait de moi un autre homme, et m’a
permis d’accéder à une spiritualité de qualité bien supérieure.
Tous les membres influents du mouvement breton sont inquiétés,
arrêtés, emprisonnés. D’autres aussi, qui n’ont rien fait de plus offensif
que de... jouer du biniou, ou de la bombarde (à ce qu’on m’a dit!),
activités hautement suspectes pour la France des Libertés.. Plusieurs
sont exécutés, d’autres doivent s’enfuir.
Hémon est inculpé « d’intelligence avec l’ennemi », et est emprisonné
pendant une année. L’instruction est très détaillée, minutieuse. Il est
démontré que les émissions dont il a eu la responsabilité, étaient
exclusivement culturelles, et qu’il n’a en aucun cas été un
propagandiste des doctrines allemandes.
La France mène une politique impitoyable d’ « épuration ». Les
« résistants » - ceux de la dernière heure sont les plus cruels, étant les
plus lâches, en Bretagne comme ailleurs - et se livrent à des exactions
nombreuses : exécutions sommaires, sans procès, sans avocats, sans
défense ; viols de femmes ayant eu, ou supposées avoir eu des
relations avec des allemands ; humiliations insupportables telles que
dénuement de ces femmes en public, et tonte complète des cheveux,
promenades de ces femmes nues dans les rues, sous les injures et les
quolibets, parfois avec leurs enfants dans les bras ...
La convention du breton KLGT étant née en 1941, pendant l’occupation
allemande, des sous développés intellectuels veulent en faire une
œuvre de collaboration. Les faux arguments s’accumulent en trompe
l’oeil : la population bretonne, reste totalement ignorante de son histoire,
et encaisse ces coups abjects, étant privée de tout moyen de répondre.
Que le gros des troupes du mouvement breton ait voulu recréer un Etat
de Bretagne, et reprendre la totalité des droits nationaux et
internationaux du pays ne fait aucun doute. Le préfet de région Ripert,
réputé favorable à la renaissance de l’identité bretonne, ayant été
chassé, et remplacé il n’a jamais été question, pour les Bretons, de
devenir vassaux de l’Allemagne, encore moins de continuer à subir la
férule de la France. On conduira la politique du pays à droite ou à
gauche, dans son seul intérêt : la Bretagne est bretonne, en bonnes
relations avec ceux qui partagent ses valeurs, mais certainement pas
française.
D’Allemagne, Hémon prend le chemin pour revenir en France, est
arrêté et emprisonné , puis traduit devant le tribunal. Il est accusé du
crime de collaboration, et d’ intelligence avec l’ennemi.
On a voulu, à toute force, expliquer la décision du tribunal par
l’intervention de l’Angleterre et de l’Irlande, et des nombreux Bretons qui
se mobilisent en sa faveur. Une pétition recueille 3000 signatures.
Hémon sort libre du tribunal. Il n’est pas condamné pour crime de
collaboration. Il n’y a pas de charges contre lui. Si cela avait été le cas,
compte tenu du contexte de l’époque, et de la fureur de répression qui s’est
abattue sur la France, il eut été condamné à des peines sévères, probablement
exécuté .
A cause de ses positions anti-françaises – qu’il n’a jamais dissimulées,
car lui et les siens connaissent par coeur les atrocités perpétrées par
l’État colonial, il est condamné à dix ans d’indignité nationale, et à ce
titre, ne peut reprendre ses fonctions d’enseignant en France. Il vit
quelque temps dans la région parisienne, à Fontenay-aux-Roses, puis
s’expatrie en Irlande, en 1947. On lui offre un poste d’enseignant à
l’Institut des Hautes Etudes de Dublin ; il part en Irlande, pays frère, qui
a subi lui aussi les crimes contre l’humanité de la part de l’État
occupant, notamment la persécution linguistique et culturelle, la
confiscation des terres par les Anglais, la famine dramatique du siècle,
qui fait plus de un million de victimes au 19ème siècle.
On a soutenu – sans aucune preuve , que les Gallois sont intervenus
pour obtenir son acquittement. Ronan Calvez, qui a eu accès au dossier, ne
fait état d’aucune intervention extérieure. S’il y en avait eu, cela aurait été
une excellente chose : Hémon était un patriote, non un criminel ; en
revanche, à l’époque, tous les gens informés sont au courant des
crimes contre l’humanité commis par la France contre les Bretons (la
Shoah de 1675, les noyades atroces de Nantes en 1793-1794), ainsi
que des persécutions d’inspiration antépréhistoriques, ce qui va
quelques années plus tard entrer dans la législation européenne et
mondiale, par la reconnaissance solennelle des droits des minorités, la
charte des langues, les dénonciations mondiales des pratiques , le
maintien de la France dans ses dernières colonies. Cerise sur le
gâteau : la France n’applique pas ces lois internationales. Ce qui est
normal : bien loin d’avoir inventé les droits de l’homme, elle les a fait
régresser.
Hémon est condamné à dix ans d’« indignité nationale » avec
interdiction de séjour en Bretagne. Ce qui rend impossible sa
réintégration dans l’éducation nationale en France, et l’oblige à quitter
sa Bretagne, pour aller vivre à Dublin, où on lui offre la possibilité de
gagner à nouveau sa vie. Il décide de son propre chef, après quelques
mois difficiles à Paris, de s’exiler. Il s’installe en 1947 et obtient, grâce à
l’intervention du président De Valera lui-même, un poste au Dublin
Institute for Advanced Studies. (Francis Favereau) . Il meurt à Dublin le
29 juin 1978.
Son ami Pierre Laurent écrit :
« En 1947, je témoignai à son procès à Rennes. Sur la demande de sa
mère j'étais allé à Westminster alerter les parlementaires gallois. Un
journaliste du Goch vint ostensiblement s'asseoir au banc des
journalistes. L'interrogatoire faisait redouter le pire. Mais le bruit fut
colporté jusqu'au président qu'il y avait dans la salle un émissaire du
gouvernement britannique. L'audience fut interrompue et le procès
reporté pour demander à Paris de nouvelles instructions. Quand il reprit,
l'ambiance avait changé et le réquisitoire du ministère public fut un
véritable appel. Le journaliste gallois m'avait d'ailleurs fait savoir qu'il
était inutile qu'il se dérange. Et Roparz Hémon sortit libre du Palais de
Justice (témoignage de son ami Pierre Laurent dans son livre "Roparz
Hémon : 1900- 1978.
En cherchant un peu, on peut trouver d'autres relations du procès.
L’un des universitaires qui l’a connu, en Irlande, où il s’était réfugié,
ayant été condamné, m’écrit que Hémon ne parlait jamais de politique,
mais s’était enfermé dans sa tour de Babel littéraire, et qu’on n’imaginait
pas qu’il puisse se comporter autrement.
Hémon a-t-il été un collaborateur ?
Toutes les tendances ont été représentées à l’intérieur du mouvement
breton, de l’extrême droite à l’extrême gauche, de l’admiration des
thèses nationale-socialistes à leur rejet absolu. Le trait principal de ce
qu’on dénomme le « mouvement breton » : la division, avec ses
attributs naturels : la dispute , les contentieux, les injures, la jalouseté.
Avec leurs ignobles effets collatéraux, dont j’ai fait l’expérience.
Jacqueline Sainclivier, historienne fiable et respectable, considère que la
frange favorable à l’Allemagne est « ultra-minoritaire » ; toutes les
sympathies et les antipathies s’y sont exprimées ; une petite fraction des
autonomistes a été non seulement vichyssoise mais a aussi pro-nazie au point
d’accepter et de vouloir, pour certains, la création d’une milice (la « milice
Perrot ») sous uniforme allemand et dépendante du SD (Sicherheitsdienst). Infime
minorité (pas plus de 80 hommes), il n’empêche qu’à cause de ces rares
sympathies pour l’ennemi, la France a grossièrement manipulé l’opinion, et
convaincu que les Bretons étaient des collaborateurs ; l’opprobre a rejailli sur
l’ensemble du mouvement breton, dont l’image a longtemps été ternie. »
(Sainclivier). On a pu entendre dans les télévisions du système cette phrase
immortelle : « Derrière tout breton, je vois un nazi » (!). Le professeur Mélenchon
s’est rendu célèbre par cette citation : « Les écoles bilingues DIWAN sont des
sectes » (!)
Roparz Hémon a évidemment été jalousé par les médiocres, c’est une
loi universelle, mais qui a joué à plein en Bretagne ; il s’est imposé par
son savoir, la qualité de ses œuvres, et sa capacité de se placer au
dessus de cette multitude de disputes mesquines. Toutes qualités qui
n’ont jamais été acceptées par les déshérités de l’esprit. C’est ce
qu’exprime la loi DE PETER : plus on est médiocre, plus grandes
sont les chances de gravir l’échelle des carrières, surtout
politiques.
Je n’ai aucune opinion sur celles de ses œuvres écrites en langue
bretonne : mes parents, humiliés par le pays des droits de
l’homme d’être des Bretons, ont cru bien faire en m’élevant en
français ; ainsi, je parle exclusivement la langue du colonisateur.
Les Bretons ont le sort qu’ils méritent. Ils sont les principaux
artisans de ce qui leur arrive. Il y a longtemps qu’ils auraient dû
retrouver leur place sur la scène internationale.
LOUIS MELENNECROPARTZ HEMON
La vérité sur l’affaire HEMON :
- Le but de Hémon : rajeunir et réformer la
langue bretonne.
- L’absence de colllaboration avec les Nazis.
- L’ » épuration « de 1945 : un instrument à tuer
le mouvement breton, et à accuser toute la
Bretagne : une ignominie française.
- La haine de Vichy et de Pétain à l’encontre des
Allemands.
(Extraits d’un article de Louis Mélennec).
Pour Hémon et son équipe, l’entreprise passe par la renaissance de l’identité
nationale. Il lie cette renaissance à la re-création de la langue, qu’il faut rénover,
enrichir, moderniser, de manière à la rendre concurrentielle par rapport aux autres
langues. C’est une erreur de stratégie, mais quasi-inéluctable à cette époque.
Hémon n’a pas compris que la renaissance de l’identité bretonne passe par
l’enseignement de l’histoire, et les horreurs qui ont été commises en Bretagne
depuis la prétendue réunion à la France, en 1532.
Les intentions de Hémon sont très clairement exprimées dans ses écrits. La
France a tout fait pour assassiner la langue bretonne : on va la combattre avec les
mêmes armes :
En 1927, bien avant l’arrivée des Allemands, il expose très complètement son
programme :
« La Bretagne sera sauvée le jour où nous aurons créé, malgré tous et contre tous
une vie nationale en Bretagne. »
« La Bretagne sera sauvée le jour où nous aurons appris à nos compatriotes à
lire et à écrire notre langue, le jour où nous aurons expliqué notre histoire, le jour
où nous aurons amélioré notre langue, composé notre littérature, créé nos écoles
avec nos maîtres, et payé nos livres avec notre argent, le jour où nous aurons
élevé suffisamment l’esprit de nos compatriotes, pour en faire un peuple libre,
dans tous les domaines de leur vie du corps et de l’âme. Et dire tout cela ne sera
pas sans liberté politique »
Le discours est pertinent, mais, centré sur la langue et la littérature, il
est voué à l’échec.
« Entre le breton et le français, il faut choisir. Nous choisissons le breton... Nous
sommes esclaves du français tant que nous sommes réduits, pour apprendre, pour
exprimer quoi que ce soit, à utiliser des livres français, à parler, à écrire en français.
Abattons les murs de notre prison. Apprenons d’autres langues... [...] En ce qui nous
concerne, puisse cette vérité être enfoncée dans notre tête : tuons le français ou le
français nous tuera.... »
L’entreprise de Hémon est tout à fait louable, mais inexacte sur un point
important. Elle donne la priorité à la langue et à la littérature, alors que
la renaissance de l’identité des Bretons doit nécessairement donner la
priorité à l’histoire nationale.
En 1936, se tient à Lorient une réunion qui a pour but de fonder une
langue unifiée, synthétisant ensemble les dialectes bretons, y compris
le dialecte vannetais, qui occupe une place originale dans le patrimoine
linguistique breton. La démarche paraît originale. Elle ne l’est pas. De
nombreux pays, menacés par des Etats centraux tentaculaires, ont
effectué la même, pour sauver leur patrimoine linguistique et littéraire.
Les écrivains les plus importants sont présents. Parmi eux : les
Vannetais Xavier de Langlais, peintre et écrivain, Loeiz Herrieu,
dirigeant de la revue Dihunamb (Réveillons nous !), créée en 1905.
Cette tentative échoue en raison de l'opposition forte des "trois sages",
opposition relayée (mollement) par Roparz Hémon, et surtout de
l’absolue ignorance de la population bretonne de son histoire, interdite
d’enseignement, et remplacée par l’histoire du pays colonial. A cette
époque, la quasi totalité de cette population a honte d’elle-même : elle
souffre d’une pathologie aujourd’hui parfaitement décrite – pas
seulement par mes travaux -, l’acculturation, ou lavage des cerveaux
par le colonisateur.
La réforme de 1936 n’ayant pu se faire, il reste à à reprendre le travail.
En 1941 et en 1942, les linguistes et les écrivains aboutissent à un
accord. Une nouvelle étape est franchie : le 8 juillet 1941, on adopte
une nouvelle synthèse, appelée langue KLTG, qui inclut le
dialecte vannetais (Gwenedeg) qui se substitue à celle du KLT
(voir Orthographe du breton). Cette langue est appelée le peurunvan,
c’est à dire « totalement unifiée ».
De cette création historique, Hémon écrit :
« Le plus grand jour de l’histoire de la langue bretonne fut celui du 8
juillet 1941. Pour la première fois depuis la venue de nos ancêtres de
Grande Bretagne, ils étaient arrivés avec leurs dialectes ; la forme écrite
de notre idiome fut totalement unifiée. L’accord du 8 juillet fut un accord
d’une importance nationale : l’ablation radicale de l’abcès dans le ventre
de notre langue. Ce devrait être un devoir pour les Bretons de fêter tous
les ans le 8 Juillet comme l’une de leurs fêtes nationales ». (Cité par
Ronan Calvez, dans son article sur Roparz Hémon).
Hémon et radio-Rennes.
Jusqu’alors, Hémon a enseigné dans le cadre de l’éducation nationale.
Il est agrégé de l’université, et a publié des travaux de valeur, qui ont
établi sa réputation, et fait de lui une autorité dans les domaines de sa
compétence.
Depuis des années, il s’est rapproché de plusieurs universitaires
allemands passionnés comme lui de culture celte. Le principal est le
professeur Léo Weisberger, qui enseigne à l’université de Marburg, ville
libre de la province de Hesse, avec qui il entretiendra des relations
professionnelles et amicales pendant de longues années. Les
Allemands occupent le nord de la France depuis le mois de juin 1940.
..., Weisberger accueillera Roparz au Hanovre lorsque celui-ci quitte la
France en août 1944.
L’armistice ayant été signé le 22 juin 1940, ce n’est pas Hémon qui
sollicite Weisberger pour travailler à radio Rennes, mais l’inverse : on lui
demande d’y faire des émissions. La radio est un organisme de
propagande placé sous la direction de Weisberger, et qui dépend de
radio-Paris. Les deux hommes partagent la même passion pour la
civilisation celte. A aucun moment, Roparz Hémon ne fait d’émissions
politiques, encore moins en faveur du régime nazi, ce qui est démontré
lors de l’instruction très fouillée dont il est l’objet après son arrestation.
Lorsqu’il entre à Radio-Rennes, en 1941 , le régime de Vichy, qui avait
fait quelques concessions apparentes au mouvement breton
(autorisation d’un enseignement facultatif de la langue bretonne, sous
surveillance des autorités rectorales, à raison d’une heure par
semaine), avait largement pris ses distances avec le mouvement
breton, car le but réel de la France est d’assassiner les langues des
nations périphériques. C’est une méthode « douce », hypocrite, pour
aboutir à terme à la mort programmée de la langue bretonne. Les
Bretons sont trompés, une fois de plus. C’est un décret du 30 juin 1941,
signé par le maréchal Pétain, qui scinde officiellement la Bretagne, en
séparant la Loire inférieure des quatre autre départements bretons,
séparation maintenue par de Gaulle en 1945, pour les mêmes raisons :
étouffer la culture bretonne, jusqu’à sa disparition.
Il quitte l’enseignement pour entrer à Radio-Rennes, qui est un
organisme privé ; à ce titre, il ne peut plus être appointé par l’État, et
acceptera d’être appointé par les Allemands ..
Le maréchal Pétain a accepté de rencontrer le chancelier Hitler à
Montoire le 24 octobre 1940. Le 30 octobre, le maréchal annonce à la
radio qu’il accepte de collaborer avec les Allemands. Ce qui lui est
encore reproché avec virulence aujourd’hui, bien que les historiens qui
pensent connaître l’histoire de ce temps, pensent qu’il n’a jamais rien
souhaité d’autre que la défaite des Allemands, sauf à la France de
ne pas subir de graves préjudices en cas d’une victoire éventuelle
de ce pays et de ce régime ennemis. Son discours, qui n’est qu’une
ruse destinée à tromper les Allemands, donne à penser le contraire ;
les concessions qu’il leur fait dans plusieurs domaines – ses conseillers
plutôt que lui-même -, vont être pris à la lettre par ses ennemis. Jusqu’à
aujourd’hui.
Les Allemands ne sont pas dupes. Ils l’appellent « le vieux renard ».
J’ai étudié très en détail le dossier, depuis des années. Je pense donc
avoir raison sur ce point, et ai publié mon opinion dans plusieurs
journaux étrangers, notamment en Suisse, mon article ayant été
censuré en France, comme non conforme à la doxa. Le but n’est pas
de collaborer avec les Allemands, que le maréchal déteste – des
collaborateurs proches du maréchal en ont attesté, d’une manière
répétitive et très ferme -, mais d’obtenir d’eux des concessions, en
attendant et en espérant la fin de la guerre. Il y a malheureusement des
ombres au tableau de ce marché de dupes. Souvent, le maréchal est
dépassé par son gouvernement, qui prend les décisions à sa place.
Une radio est créée à Rennes aux fins de propagande nazie.
De juillet 1941, Hémon a la responsabilité d’émissions en langue
bretonne à radio-rennes, station privée, organisme privé. Il est mis à la
disposition des autorités occupantes, mais rémunéré par l’État français
dans un premier temps. C’est en 1943 seulement qu’il est rémunéré
comme les autres animateurs de la radio. Cette radio, située dans la
zone nord occupée, est dirigée par les allemands. Il entre en fonctions
le 1
er
juillet 1941, quelques jours après le décret du 30 juin. Il cessera
ses fonctions en juin 1944, les troupes alliées ayant débarqué en
Normandie le 6 juin 1944.
Hémon ne dirige pas cette radio, mais est seulement invité à réaliser
des émissions ; il n’effectue que des émissions culturelles, strictement
neutres politiquement.
Dans le même temps, il assure la direction de la revue Gwalarn, qui
publie bientôt des extraits d’oeuvres de grands écrivains français et
étrangers comme Shakespeare, Cervantes, Herman, et d’autres de
renommée internationale.
Il crée l’Institut culturel breton, dont il assume la direction.
Bientôt, les numéros de la revue sont entièrement publiés en breton.
Chose qui étonne aujourd’hui, Hémon est favorable à l’espéranto,
langue créée en 1887 par le polonais d’origine juive Zamenhof . Il est
favorable au développement de cette langue, qu’il pense pouvoir un
jour, dans la meilleure des hypothèses, remplacer les langues
colonisatrices et impérialistes que sont le français, l’anglais, l’allemand,
l’espagnol, le portugais.
Il fournit pendant la période de la guerre un travail phénoménal : évitant
strictement les sujets politiques, sans assumer aucune fonction de
direction à la radio, il y produit de nombreuses émissions culturelles et
littéraires, , dirige la revue Gwalarn, écrit de très nombreux articles en
différentes langues, des ouvrages divers, assure la direction de l’équipe
rédactionnelle ; les contacts avec ses collaborateurs sont difficiles, car
les Bretons sont atteints depuis toujours d’au moins deux maladies
chroniques, incurables à ce jour : la division et la jalousie, défauts
majeurs auxquels il se heurte en permanence. Mon cousin de Camaret,
Louis Mélenec, décédé il y a plusieurs années, avait coutume de dire :
« Pourquoi la France s’épuiserait-elle à nous détruire ? Les Bretons
s’en chargent ! » (cf : l’ignominie de 2014).
Mais il chemine, grâce à sa ténacité exceptionnelle et sa capacité de
travail phénoménale, ce qui sera reconnu par tous les gens normaux
après la fin de la guerre. Il écrit ceci alors qu’il se trouve à Dublin :
« (...) » il se produisit un miracle : pendant quatre ans, de 1940 à 1944, un vent de
liberté passa sur la Bretagne ; chaque vrai Breton put travailler presque sans
tracas, et la vie de l'esprit fleurit. Pendant ces quatre années-là les Bretons
conscients apprirent qu'ils étaient capables de s’occuper de leur pays seuls, une
leçon qu'ils ne sont pas prêts d'oublier. »
Un ami qui l’a connu en Irlande m’écrit : « Hémon était préoccupé par
une seule chose : sa mission de linguiste et d’écrivain ; il ne faisait pas
de politique ».
Ces phrases traduisent la vérité, mais pas entièrement. La création
artistique, en France, pendant la guerre, s’est maintenue à un niveau
exceptionnel. Ce que confirme Jean-Paul Sarte dans un constat non
moins célèbre. Mais la liberté ne fut pas totale. Dans le cadre de son
activité, Hémon a créé librement. Mais ce ne fut pas le cas pour tous.
L’échec de Roparz Hémon. Son procès à Rennes en 1947.
La guerre, gagnée ou perdue par les alliés, Hémon, réduit à ses propres
forces, ne pouvait guère gagner la bataille dans son combat en faveur
de la langue bretonne. Plusieurs raisons expliquent cet échec :
- L’Allemagne, qui a fait croire qu’elle favoriserait le retour à
l’indépendance de la Bretagne, a renoncé à ce projet, devenu inutile
pour elle, après l’entrevue de Montoire, qui lui a fait croire à une forme
de « collaboration », terme éminemment malheureux.
- La partie était inégale. Le Maréchal était favorable aux thèses de
Mauras, avec une reconstitution des provinces de l’ancienne France
monarchique, et la nomination de gouverneurs provinciaux. Ses
conseillers lui ont montré les dangers de cette solution, et ce sont eux
qui ont imposé l’amputation de la Bretagne en juin 1941. Comme l’écrit
Hémon, la France, pays étranger, fait semblant de donner d’une main –
très chichement -, ce qu’elle retire de l’autre. C’est une politique de
tromperie, dont ce pays est un spécialiste hautement qualifié, depuis
toujours.
- Le projet de Hémon est trop ambitieux, ce qu’il reconnaît lui-même :
moderniser la langue et l’enrichir, certes ! Mais il n’y a aucun relais dans
la population, qui n’est pas intéressée pas ces spéculations largement
intellectuelles ; les Bretons parlent la langue qu’ils ont apprise dans
leurs familles, non dans les revues des linguistes, si remarquables
soient-elles. Ils n’y ont même pas accès ! L’influence de Hémon ne
touche que de petits groupes de sympathisants, un certain nombre des
réformes proposées restent pour l’homme de la rue une alchimie
difficilement compréhensible.
- A quoi s’ajoutent les divisions permanentes de ce qu’on appelle « le
mouvement breton », toujours plus préoccupé de détruire qu’à
rechercher de vraies solutions, et plus apte à reculer qu’à avancer.
Les « alliés » ayant gagné la guerre, ceux qui ont travaillé à restaurer la
Bretagne dans sa langue, sa culture et sa dignité vont en payer le prix.
Pas seulement eux : ceux qui ont témoigné de la sympathie pour leur
langue, leur culture, leur musique, et les nombreux Bretons, simplement
soupçonnés d’avoir montré de la sympathie pour la renaissance des
activités culturelles bretonnes, Il en est ainsi dans les colonies qui ont
tenté de se libérer, en particulier l’Indochine, l’Algérie, le Cameroun ..
des qualificatifs haineux sont encore déversés sur ces patriotes, là où
les vrais « collabos » occupent tous les postes prébendés par l’État
français.
Le débarquement de Normandie ayant eu lieu le 6 juin 1944, les très
maigres effectifs français n’y jouant aucun rôle, Hémon, menacé d’être
arrêté et jugé, peut-être condamné à la peine de mort, soucieux de sa
vie, quitte Rennes, au début d’août 1944, dans le même camion que
Marcel Guiyesse. nationaliste breton. Attitude éminemment humaine
pour qui souhaite rester en vie, mais qualifiée par les néo-collabos de
fuite ! Il est accueilli avec ce dernier à Strasbourg par les allemands. Ce
qui, s’ajoutant au reste, fera dire à Henri Fréville, élu maire de Rennes –
qui n’est pas Breton, et qui ne peut ressentir charnellement ce que
représente le sentiment national breton., qu’il a été complice des nazis.
Il est accueilli au Hanovre par Weisberger. Mais il regagne la France et
est traduit devant une haute cour de justice.
Les gaullistes s’étant emparés du pouvoir, rétablissent une répression
jacobine féroce, supprimant les maigres concessions du pouvoir de
Vichy, en matière d’enseignement, et, plus grave, interdisent
l’enseignement de l’histoire de la Bretagne, terreau sur lequel les
marxistes vont fleurir : ils ont encore, dans les pays qu’ils occupent, de
nombreux millions d’hommes à assassiner.
En 1945, j’ai quatre ans. Je fais connaissance avec cette « hystoyre »
de France, qui n’est en rien celle des Bretons, à l’école communale du
Guilvinec, précisément en 1947, l’année du procès de Hémon à
Rennes, dont nous ignorons le nom et même l’existence, car la France
est cachotière ! Je subis donc le début de mon lavage de cerveau à
l’age de six ans. Le comité consultatif de Bretagne, constitué en 1942,
qui avait laissé connaître son désir de voir reconstituée la province de
Bretagne, l’enseignement de la langue bretonne, et une assemblée
provinciale, n’est plus réuni. Jacques Chirac, s’il avait été présent, aurait
commenté de la manière suivante : PSCHITT .. ! C’est cette politique,
désignée par certain par le vocable de « pschittisme », que la France
applique, et dont j’ai été victime. Jusqu’à l’âge de 30 ans. J’ai été libéré,
et enfin mis au courant de la triste « œuvre civilisatrice de la France en
Bretagne » par Yann Brekilien (Jean Sicard), président du tribunal
d’instance de Quimper ; un homme admirable, d’une rigueur morale
exceptionnelle. Cette libération a fait de moi un autre homme, et m’a
permis d’accéder à une spiritualité de qualité bien supérieure.
Tous les membres influents du mouvement breton sont inquiétés,
arrêtés, emprisonnés. D’autres aussi, qui n’ont rien fait de plus offensif
que de... jouer du biniou, ou de la bombarde (à ce qu’on m’a dit!),
activités hautement suspectes pour la France des Libertés.. Plusieurs
sont exécutés, d’autres doivent s’enfuir.
Hémon est inculpé « d’intelligence avec l’ennemi », et est emprisonné
pendant une année. L’instruction est très détaillée, minutieuse. Il est
démontré que les émissions dont il a eu la responsabilité, étaient
exclusivement culturelles, et qu’il n’a en aucun cas été un
propagandiste des doctrines allemandes.
La France mène une politique impitoyable d’ « épuration ». Les
« résistants » - ceux de la dernière heure sont les plus cruels, étant les
plus lâches, en Bretagne comme ailleurs - et se livrent à des exactions
nombreuses : exécutions sommaires, sans procès, sans avocats, sans
défense ; viols de femmes ayant eu, ou supposées avoir eu des
relations avec des allemands ; humiliations insupportables telles que
dénuement de ces femmes en public, et tonte complète des cheveux,
promenades de ces femmes nues dans les rues, sous les injures et les
quolibets, parfois avec leurs enfants dans les bras ...
La convention du breton KLGT étant née en 1941, pendant l’occupation
allemande, des sous développés intellectuels veulent en faire une
œuvre de collaboration. Les faux arguments s’accumulent en trompe
l’oeil : la population bretonne, reste totalement ignorante de son histoire,
et encaisse ces coups abjects, étant privée de tout moyen de répondre.
Que le gros des troupes du mouvement breton ait voulu recréer un Etat
de Bretagne, et reprendre la totalité des droits nationaux et
internationaux du pays ne fait aucun doute. Le préfet de région Ripert,
réputé favorable à la renaissance de l’identité bretonne, ayant été
chassé, et remplacé il n’a jamais été question, pour les Bretons, de
devenir vassaux de l’Allemagne, encore moins de continuer à subir la
férule de la France. On conduira la politique du pays à droite ou à
gauche, dans son seul intérêt : la Bretagne est bretonne, en bonnes
relations avec ceux qui partagent ses valeurs, mais certainement pas
française.
D’Allemagne, Hémon prend le chemin pour revenir en France, est
arrêté et emprisonné , puis traduit devant le tribunal. Il est accusé du
crime de collaboration, et d’ intelligence avec l’ennemi.
On a voulu, à toute force, expliquer la décision du tribunal par
l’intervention de l’Angleterre et de l’Irlande, et des nombreux Bretons qui
se mobilisent en sa faveur. Une pétition recueille 3000 signatures.
Hémon sort libre du tribunal. Il n’est pas condamné pour crime de
collaboration. Il n’y a pas de charges contre lui. Si cela avait été le cas,
compte tenu du contexte de l’époque, et de la fureur de répression qui s’est
abattue sur la France, il eut été condamné à des peines sévères, probablement
exécuté .
A cause de ses positions anti-françaises – qu’il n’a jamais dissimulées,
car lui et les siens connaissent par coeur les atrocités perpétrées par
l’État colonial, il est condamné à dix ans d’indignité nationale, et à ce
titre, ne peut reprendre ses fonctions d’enseignant en France. Il vit
quelque temps dans la région parisienne, à Fontenay-aux-Roses, puis
s’expatrie en Irlande, en 1947. On lui offre un poste d’enseignant à
l’Institut des Hautes Etudes de Dublin ; il part en Irlande, pays frère, qui
a subi lui aussi les crimes contre l’humanité de la part de l’État
occupant, notamment la persécution linguistique et culturelle, la
confiscation des terres par les Anglais, la famine dramatique du siècle,
qui fait plus de un million de victimes au 19ème siècle.
On a soutenu – sans aucune preuve , que les Gallois sont intervenus
pour obtenir son acquittement. Ronan Calvez, qui a eu accès au dossier, ne
fait état d’aucune intervention extérieure. S’il y en avait eu, cela aurait été
une excellente chose : Hémon était un patriote, non un criminel ; en
revanche, à l’époque, tous les gens informés sont au courant des
crimes contre l’humanité commis par la France contre les Bretons (la
Shoah de 1675, les noyades atroces de Nantes en 1793-1794), ainsi
que des persécutions d’inspiration antépréhistoriques, ce qui va
quelques années plus tard entrer dans la législation européenne et
mondiale, par la reconnaissance solennelle des droits des minorités, la
charte des langues, les dénonciations mondiales des pratiques , le
maintien de la France dans ses dernières colonies. Cerise sur le
gâteau : la France n’applique pas ces lois internationales. Ce qui est
normal : bien loin d’avoir inventé les droits de l’homme, elle les a fait
régresser.
Hémon est condamné à dix ans d’« indignité nationale » avec
interdiction de séjour en Bretagne. Ce qui rend impossible sa
réintégration dans l’éducation nationale en France, et l’oblige à quitter
sa Bretagne, pour aller vivre à Dublin, où on lui offre la possibilité de
gagner à nouveau sa vie. Il décide de son propre chef, après quelques
mois difficiles à Paris, de s’exiler. Il s’installe en 1947 et obtient, grâce à
l’intervention du président De Valera lui-même, un poste au Dublin
Institute for Advanced Studies. (Francis Favereau) . Il meurt à Dublin le
29 juin 1978.
Son ami Pierre Laurent écrit :
« En 1947, je témoignai à son procès à Rennes. Sur la demande de sa
mère j'étais allé à Westminster alerter les parlementaires gallois. Un
journaliste du Goch vint ostensiblement s'asseoir au banc des
journalistes. L'interrogatoire faisait redouter le pire. Mais le bruit fut
colporté jusqu'au président qu'il y avait dans la salle un émissaire du
gouvernement britannique. L'audience fut interrompue et le procès
reporté pour demander à Paris de nouvelles instructions. Quand il reprit,
l'ambiance avait changé et le réquisitoire du ministère public fut un
véritable appel. Le journaliste gallois m'avait d'ailleurs fait savoir qu'il
était inutile qu'il se dérange. Et Roparz Hémon sortit libre du Palais de
Justice (témoignage de son ami Pierre Laurent dans son livre "Roparz
Hémon : 1900- 1978.
En cherchant un peu, on peut trouver d'autres relations du procès.
L’un des universitaires qui l’a connu, en Irlande, où il s’était réfugié,
ayant été condamné, m’écrit que Hémon ne parlait jamais de politique,
mais s’était enfermé dans sa tour de Babel littéraire, et qu’on n’imaginait
pas qu’il puisse se comporter autrement.
Hémon a-t-il été un collaborateur ?
Toutes les tendances ont été représentées à l’intérieur du mouvement
breton, de l’extrême droite à l’extrême gauche, de l’admiration des
thèses nationale-socialistes à leur rejet absolu. Le trait principal de ce
qu’on dénomme le « mouvement breton » : la division, avec ses
attributs naturels : la dispute , les contentieux, les injures, la jalouseté.
Avec leurs ignobles effets collatéraux, dont j’ai fait l’expérience.
Jacqueline Sainclivier, historienne fiable et respectable, considère que la
frange favorable à l’Allemagne est « ultra-minoritaire » ; toutes les
sympathies et les antipathies s’y sont exprimées ; une petite fraction des
autonomistes a été non seulement vichyssoise mais a aussi pro-nazie au point
d’accepter et de vouloir, pour certains, la création d’une milice (la « milice
Perrot ») sous uniforme allemand et dépendante du SD (Sicherheitsdienst). Infime
minorité (pas plus de 80 hommes), il n’empêche qu’à cause de ces rares
sympathies pour l’ennemi, la France a grossièrement manipulé l’opinion, et
convaincu que les Bretons étaient des collaborateurs ; l’opprobre a rejailli sur
l’ensemble du mouvement breton, dont l’image a longtemps été ternie. »
(Sainclivier). On a pu entendre dans les télévisions du système cette phrase
immortelle : « Derrière tout breton, je vois un nazi » (!). Le professeur Mélenchon
s’est rendu célèbre par cette citation : « Les écoles bilingues DIWAN sont des
sectes » (!)
Roparz Hémon a évidemment été jalousé par les médiocres, c’est une
loi universelle, mais qui a joué à plein en Bretagne ; il s’est imposé par
son savoir, la qualité de ses œuvres, et sa capacité de se placer au
dessus de cette multitude de disputes mesquines. Toutes qualités qui
n’ont jamais été acceptées par les déshérités de l’esprit. C’est ce
qu’exprime la loi DE PETER : plus on est médiocre, plus grandes
sont les chances de gravir l’échelle des carrières, surtout
politiques.
Je n’ai aucune opinion sur celles de ses œuvres écrites en langue
bretonne : mes parents, humiliés par le pays des droits de
l’homme d’être des Bretons, ont cru bien faire en m’élevant en
français ; ainsi, je parle exclusivement la langue du colonisateur.
Les Bretons ont le sort qu’ils méritent. Ils sont les principaux
artisans de ce qui leur arrive. Il y a longtemps qu’ils auraient dû
retrouver leur place sur la scène internationale.
LOUIS MELENNEC